Réflexe d’écolière appliquée (et de maniaque de l’orthographe et des finesses de la langue) : pour savoir vraiment de quoi je vais parler, me voilà en train de consulter le dictionnaire. Direction le Larousse en ligne (oui, il est possible d’être « has been » en restant attachée à la correction linguistique tout en recourant aux outils modernes) qui définit le verbe décrasser comme suit :

  • Ôter la couche de crasse qui salit quelqu’un, quelque chose, le nettoyer : Décrasser un peigne.
  • Tirer quelqu’un, son esprit de l’ignorance ; l’instruire, le dégrossir.
  • Familier. Rendre à ses muscles leur souplesse : La culture physique vous décrassera un peu.
  • Agiter un métal en fusion afin de séparer de sa masse les crasses qui s’y trouvent.
  • Ôter de la grille d’un foyer ou des tubes à fumée d’une chaudière les scories et les cendres.

Voilà qui m’intéresse au plus haut point puisque j’ai la ferme intention de vous entretenir aujourd’hui du décrassage, au sens sportif évidemment, et non au sens « barbecuesque » ou éducatif.

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Revenons au départ de ma réflexion en évoquant rapidement mon expérience du week-end dernier. Pleine de bonnes intentions, je m’alignais au départ de l’épreuve de 13 km et 700 m D+ du Trail des Glières, événement vraiment chouette orchestré par un groupe de passionnés du charmant village de Thorens-Glières et ses alentours. Mon objectif était assez simple et classique : je voulais faire une bonne séance de rythme au sein d’un peloton en sachant pertinemment qu’une distance aussi courte n’était clairement pas à mon avantage. En un mot, je souhaitais décrasser la machine en lui imposant une épreuve aussi brève qu’intense. Tenant ses promesses, l’épreuve fut brève. Très brève. Trop brève… Un départ (trop) rapide, une ascension (trop) vite terminée, une descente (bien trop) courte. Pourtant le chrono final se révélait médiocre (1h21) et ma conclusion était sans appel : le décrassage avait certes eu lieu, mais il y avait un sacré travail de vitesse à réaliser.

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Forcément déçue par ma quatrième place et surtout par l’impression détestable d’être restée scotchée au sentier boueux sans pouvoir accélérer, je tirais néanmoins une leçon positive de cette expérience. Titiller ses faiblesses contraint à sortir de sa zone de confort, à bousculer ses repères, à aller chercher en soi des ressources que l’on n’a pas l’habitude de solliciter. Moi qui croyais avoir gardé quelques qualités de vitesse après de nombreux hivers de cross-country, je me retrouvais larguée. Certes relativement à l’aise en montée et exceptionnellement sur la retenue en descente à cause d’une entorse à la cheville contractée le dimanche précédent, je constatais que j’avais quelque peu perdu de ma fraîcheur d’antan sur les courtes distances. Me serais-je insidieusement « diesellisée » au fil des saisons ?

Quoiqu’il en soit, je reste persuadée que ce genre d’exercice est vertueux. Il permet de prendre conscience de l’importance fondamentale pour le trailer (qu’il coure sur 20, 40 ou 80 km) de travailler à l’entraînement toutes les filières. Ce n’est pas parce qu’on prépare un ultra de 100 km qu’il faut négliger pour autant les séances de VMA. Ce n’est pas parce qu’on sait gérer une épreuve de 35 km qu’il faut se contenter de séances au seuil et laisser de côté le fractionné court qui brûle les cuisses et les poumons. Et ce n’est pas parce qu’on se sait performant sur les trails de plus de 20 ou 50 km qu’il faut oublier totalement les « petites » courses d’une dizaine de bornes où l’on se donne à fond et où la tête n’a rien d’autre à gérer que l’intensité de l’effort.

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A bien y réfléchir, cette course nature de 13 km a pleinement remplit son rôle : le décrassage a été total, dans tous les sens du terme.

  • Elle m’a nettoyé l’esprit et les poumons en me donnant à vivre une grosse heure de course où il était inutile de réfléchir à quoi que ce soit d’autre qu’à aller le plus vite possible.
  • Elle m’a instruite en me donnant une bonne leçon sportive.
  • Elle a décrassé la machine en m’imposant une allure plus soutenue qu’à l’ordinaire (au moins sur quelques portions).
  • Elle a mis mes muscles et mon palpitant en fusion dès le départ, surtout que j’avais négligé l’échauffement (grave erreur de débutante !).
  • Enfin, elle a ramoné sans pitié mes petites bronches dans l’air frais et humide des Glières.

Bon, ceci dit, j’avoue que je meurs d’envie de retourner sur les terres de Seb Chaigneau et Philippe Bellard l’an prochain, non pas sur cette épreuve de 13 km, mais sur celle de 35 km. Il paraît que l’itinéraire conduit dans des secteurs absolument superbes. Tant pis pour le décrassage !  🙂