Pour Isabelle, courir est une évidence et une passion. Athlète depuis son enfance, d’abord en équipe de France de ski de fond puis en équipe de France de course en montagne et de trail, Isabelle Jaussaud n’a rien perdu de sa motivation et de son bonheur de courir. Rencontre avec une grande dame de la montagne.
Ancienne championne de ski de fond, pourquoi as-tu commencé à courir ?
« Lorsque j’étais fondeuse, la course à pied représentait une grosse part de mon entraînement estival. J’adorais courir ! Lorsque j’ai arrêté ma carrière en ski de fond, je me suis naturellement mise au cross et aux 10 kilomètres. Puis j’ai éprouvé l’envie de voir autre chose que la piste et la route. La course en montagne puis le trail se sont alors imposés à moi. J’étais très inspirée par Karine Herry et Corinne Favre. Ce sont elles qui m’ont montré la voie. »
Quel est ton souvenir le plus marquant de ta carrière en trail ?
« Sans hésiter, ma victoire aux Templiers en 2010. En 2009, je m’étais alignée au départ sans être préparée. Je n’avais jamais couru plus d’une quarantaine de kilomètres ! Je suis donc partie très prudemment. Un peu trop… Je me suis rendue compte que je pouvais accélérer et j’ai terminé troisième derrière Maud Gobert et Laurence Klein. Je me suis alors dit qu’un jour, la victoire serait pour moi. J’ai donc passé toute la saison 2010 à préparer les Templiers que j’ai effectivement gagnés cette année-là. Cette épreuve est un peu le graal de tout trailer. C’était une course phare qui permettait de se mesurer à de grandes athlètes. »
Après une carrière bien remplie, notamment par des sélections en équipe de France de course en montagne et de trail, tu continues aujourd’hui à épingler des dossards. Ta motivation n’est-elle pas émoussée par les années ?
« Non, pas du tout, car je suis vraiment passionnée de course à pied et de trail. Je me régale, quel que soit mon niveau. En 2015, j’ai fait une belle saison et enchaîné de jolies courses avec une victoire sur l’Intégrale des Causses et la Gap’encimes et une troisième place à la Saintélyon. J’éprouve toujours cette envie de bien faire mais, à 50 ans, mon corps me dit parfois « non ! » ou « doucement ! » Je récupère beaucoup moins bien. J’ai appris à m’adapter à ce nouveau mode de fonctionnement qui n’altère pas mon plaisir. L’objectif n’est plus vraiment le résultat désormais. Je ne cherche plus à rivaliser avec qui que ce soit, je suis plutôt en quête de sensations. J’appréhendais l’après équipe de France, mais je me rends compte aujourd’hui que mes priorités ont changé et que je continue à me faire réellement plaisir. »
Depuis tes débuts en trail, la discipline s’est développée et transformée. Quel regard portes-tu sur ces évolutions ?
« J’avoue que le trail a pris une ampleur qui me dépasse. La multiplication des teams me donne le tournis. A mon époque, il n’était pas question d’argent. Je peux toutefois comprendre aujourd’hui que, lorsqu’on atteint un certain niveau, une récompense financière puisse être attendue. L’inflation kilométrique m’interpelle également. Les distances et la difficulté ne cessent d’augmenter. Tout le monde veut courir un ultra, c’est à la mode. Même s’il en faut pour tout le monde, certains s’exprimant mieux sur le long, je pense qu’il faut que cela s’arrête. Le côté positif, c’est que cela incite les gens à bouger. Cependant, quand je vois des athlètes enchaîner les ultras, je ne suis pas étonnée qu’ils soient brutalement coupés dans leur élan. Nous ne sommes pas des machines. Il faut savoir s’écouter pour durer. A 50 ans, je ne suis pas une sportive cassée. Je n’ai mal nulle part et je cours encore beaucoup. Mais j’ai toujours limité mes dossards à cinq ou six par saison, bien que la tentation ait parfois pu être forte de répondre aux sollicitations. J’ai toujours pris le temps de récupérer, de ne pas m’emballer, d’augmenter très progressivement les distances. J’ai certes été blessée, comme tout athlète, mais ces périodes m’ont toujours servi à relativiser : je prenais la blessure comme un signal envoyé par mon corps pour me reposer et comme une opportunité de prendre conscience qu’il y avait autre chose que le sport dans la vie. »
Isabelle Jaussaud en bref
- 50 ans.
- Vendeuse chez Decathlon au rayon running à Gap depuis près de 20 ans.
- Palmarès express : 2 sélections en équipe de France de course en montagne, 2 sélections en équipe de France de trail, vainqueur de la Grande Course des Templiers en 2010, 3eà la Saintélyon en 2015, vainqueur de l’Intégrale des Causses, de la Skyrace de Montgenèvre et de la Gap’encimes en 2015, vainqueur du trail des Ecrins en 2017.
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