Elle ne faisait pas figure de favorite, loin de là. Elle n’était pas mentionnée dans les communiqués de presse, ni dans l’immense majorité des articles présentant les stars en lice. Nous étions pourtant une jolie poignée de Grenoblois à savoir. A savoir que Sophie ne porte pas un tel nom de famille pour rien. En attendant que la nouvelle pensionnaire de l’équipe de France de trail revienne de ses vacances bien méritées et réponde à une interview, retour sur l’itinéraire de celle qui, pour moi, est bien plus qu’une championne puisqu’elle est avant tout une amie. 

C’est en 2011 que je rencontre Sophie, non pas sur un sentier, mais au bord d’une piste en tartan, à Grenoble. A l’époque, je tente d’émerger d’une longue et difficile période de blessure qui a marqué la fin de ma modeste carrière de marcheuse athlétique. La course en montagne est alors une perspective séduisante, pleine de promesses d’évasion et de sensations radicalement différentes de celles que j’ai éprouvées pendant près de 15 ans sur les pistes d’athlétisme et les circuits ultra-plats en bitume. Bref, je débarque en septembre 2011 dans le groupe de trail et course en montagne de l’Entente Athlétique Grenoble avec une envie dévorante de courir. Et je tombe sur Sophie, petit bout de femme dynamique qui me raconte très vite sa passion pour tous les sports : escalade, VTT, surf des mers, snowboard, raid multisports… La liste de ses activités sportives est longue ! Pourtant cette Bourguignonne d’origine s’est retrouvée un peu par hasard sur les sentiers de la Terra Modana en 2008. Séduite par l’ambiance et le type d’effort qu’est le trail, Sophie décide de se lancer dans la discipline. Depuis, elle n’a plus quitté les baskets et s’entraîne avec enthousiasme et rigueur.

Se contenter de courir ? Sophie en est tout simplement incapable ! « Je suis hyperactive, je ne tiens pas en place », affirme-t-elle en riant lorsque je l’interviewe en 2012. Alors elle nage, pédale sur la route et dans les bois, fréquente une salle de sports… et assume en même temps un poste à responsabilité dans l’industrie chimique. « Ce ne sont pas des entraînements que je subis chaque jour, loin de là », assure la Grenobloise d’adoption. « Je ne suis pas une acharnée. Bouger est un besoin et une détente. Non, je ne me prends pas au sérieux ! »

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Sophie Gagnon au chalet de l’Aulp (MaXi-Race 2016), en route vers la 2e place féminine et sa 1ère sélection en équipe de France.

Ce qui était vrai en 2012 l’est encore aujourd’hui. Sophie continue à fréquenter assidûment son club et à trotter au sein du groupe coaché par Rémy Marcel. Elle ne parade pas le moins du monde en parlant à tout va de ses performances, mais reste simple et humble. Un détachement d’autant plus épatant que Sophie aurait toutes les raisons de se considérer comme un petit prodige après avoir vécu quelques saisons extrêmement fastes. A peine deux ans après son premier trail, elle cumule les succès en 2010 : victoire à la Terra Modana, victoire aux Drayes du Vercors, 3e au Trail Drôme Lafuma et au Challenge Hero, 4e à la CCC et à la Saintélyon. La machine est lancée ! Malheureusement, quelques soucis de santé freinent son élan il y a deux ans, mais la force de caractère dont elle fait preuve, ses capacités physiques et sa passion pour le trail lui permettent de revenir encore plus forte. Elle décroche ainsi la 3e place du TTN Long en 2015 avant de planifier une saison 2016 ambitieuse. L’hiver passé sur les champs boueux de cross-country confirme son état de forme et laisse augurer une saison de trail en fanfare.

Nous sommes quelques-uns autour d’elle à savoir ce dont elle est capable. Peu de spécialistes connaissaient Sophie la discrète… jusqu’à ce qu’elle réalise un hold-up remarquable samedi dernier sur la MaXi-Race et décroche son ticket pour les championnats du monde en octobre prochain.

Mais ce n’est pas parce qu’elle devient pensionnaire de l’équipe de France que Sophie changera d’un iota. Simple elle est, simple elle restera. Fidèle à sa philosophie : « J’adore la montagne. Au bout d’un moment, on déconnecte complètement, on oublie tout, on est immergé dans la nature sans penser au chronomètre. » Fidèle à ce qui fait d’elle une battante – et (désolée du jeu de mots trop facile) une « Gagnonte » : cette capacité à aller au bout d’elle-même qui contraste singulièrement avec son sourire lumineux et sa foulée sautillante. Un conseil : suivez bien cette fille-là (enfin, pas sur les chemins, elle court trop vite) car c’est sûr, elle n’a pas fini de nous étonner !

 

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