Le temps vous a paru diablement long. Ne pas chausser vos runnings pendant plusieurs semaines, c’était quand même rudement difficile, non seulement pour le corps habitué à sa dose de course à pied, mais aussi pour la tête où, insidieusement, la confiance a vite fait de s’envoler. Et si vous reveniez d’une coupure non pas anéanti, mais rechargé à bloc ?
L’itinéraire d’un coureur n’a rien d’une belle ligne droite en tartan. Il ressemblerait plutôt au profil d’un trail avec ses hauts, ses bas et ses pauses plus ou moins longues sur les postes de ravitaillement. Mais les arrêts dans la pratique sont de différentes natures : bien involontaires lorsqu’il s’agit d’une blessure, d’un problème de santé ou d’une contrainte professionnelle, plus volontaires lorsqu’il s’agit d’une grossesse, d’un break de régénération ou d’une phase d’entraînement croisé. Dans tous les cas, l’arrêt de la course à pied peut engendrer une certaine perte de confiance. Pourquoi ? Parce que l’on s’est éloigné pendant quelques semaines, voire quelques mois ou même quelques années, d’un plan d’entraînement, d’une pratique régulière et rationnelle qui garantissait un niveau de performance et un état de forme.
Arrêt forcé ou break volontaire ?
Même si la réalité est identique dans les deux cas (on s’arrête de courir pendant un laps de temps), la manière dont on vit la coupure est forcément très différente selon que l’on subit ou que l’on choisit le break. Etre condamné au repos pour cause de blessure invite à se remettre en question, à s’interroger sur les causes du problème physique. En revanche, opter pour une phase de repos volontaire démontre « un désir de récupération, un besoin de se ressourcer, voire la volonté de passer temporairement à autre chose afin de ne pas dégrader sa capacité d’engagement liée au plaisir et au désir de pratiquer », comme l’affirme Dominique Simoncini, préparateur physique et mental. « C’est déjà une réelle preuve de confiance puisque l’individu est à même de s’imposer un break qu’il transformera en un moment salutaire. »
Même si le break est volontaire, tout arrêt de l’entraînement peut engendrer une remise en question, des doutes et une foule d’interrogations. Je n’ai pas couru depuis deux semaines, vais-je être aussi performant à la reprise ? Je suis à l’arrêt depuis un mois, serai-je complètement largué lors de mon premier footing avec les copains ? J’ai mal depuis des mois, je me méfie de mon corps, alors comment reprendre l’entraînement sans appréhender la souffrance et la blessure ? « La confiance est liée à notre conscience de nos compétences », précise Dominique Simoncini. « Elle est fluctuante, dans les bons comme dans les mauvais moments. » Mais la confiance dépend étroitement « du développement d’une condition physique irréprochable », d’après Hervé Le Deuff, préparateur physique et mental. On comprend donc aisément que tout arrêt de l’entraînement, volontaire ou non, peut être synonyme de déstabilisation puisque l’on réduit ou supprime le temps consacré à sa condition physique.
Chasser les doutes
Lorsque la coupure est liée à un problème de santé, la situation est d’autant plus anxiogène que l’athlète « soit reste dans le moment vécu avant l’arrêt, soit se projette par anticipation dans le retour à l’activité, quitte à brûler les étapes », estime Dominique Simoncini. S’entraîner régulièrement, et plus encore suivre un planning bien établi avec des séances et des objectifs, permet de se rassurer et d’avoir le sentiment de maîtriser sa pratique. « Faire consciencieusement le job » donne accès à la progression, à la performance et à un certain niveau, non sans effort et non sans sacrifices personnels. « On se focalise alors sur le chemin que l’on a parcouru pour arriver à ce niveau et on se perd en route en imaginant que le chemin sera à refaire à l’infini », poursuit Dominique Simoncini. « Pourtant le corps a une mémoire et le retour à un niveau correct se fera plus vite. La période d’arrêt offre souvent au corps une période de restructuration profonde et salutaire. » Autrement dit, ce n’est pas parce que vous avez mis un an pour boucler vos 10 km en 38 minutes que vous mettrez autant de temps pour réitérer votre performance. Grâce à la mémoire physiologique, votre organisme récupèrera ses capacités beaucoup plus rapidement qu’il n’a mis à les acquérir la première fois.
L’une des règles pour vivre une reprise d’activité sans stress consiste donc à faire confiance à son corps. Plutôt que nourrir une profonde amertume en songeant aux longues semaines d’entraînement perdues à cause de la coupure, pensez de manière positive : visualisez votre organisme en pleine régénération, pensez à tous les micro-bobos qui guériront pendant votre break, profitez de cette période pour faire d’autres activités, avoir une vie sociale plus riche, vous décentrer du sport. Et si vous avez besoin de regarder devant vous, élaborez un plan d’action pour revenir à un bon niveau : cherchez des informations sur les protocoles de reprise, prenez conseil auprès de professionnels de santé, soyez à l’écoute de votre corps… et de votre tête !
« Je demande à mes athlètes de bien connaître leurs compétences afin d’être à même d’évaluer celles dont ils disposent malgré l’inactivité et celles dont ils sont privés pendant la phase d’arrêt », indique Dominique Simoncini. A la clé : une diminution du stress causé par l’arrêt de l’entraînement et un travail de développement des compétences non affectées par la blessure ou le problème de santé. Si courir n’est pas possible, il reste d’autres moyens d’entretenir son état de forme et même d’améliorer certaines capacités que l’on néglige trop souvent : gainage, abdominaux, musculation du haut du corps, mais aussi cyclisme, randonnée et natation permettent de réduire le stress lié à l’arrêt du running et de rentrer en mode action car « l’action inhibe l’émotion », comme le rappellent les psychologues du sport. Au lieu de subir la coupure, vivez-la de manière active. Lorsque vous chausserez de nouveau les baskets, vous n’aurez pas l’impression de n’avoir rien fait pendant plusieurs semaines et votre capital confiance ne sera pas altéré : vous reprendrez la course à pied en ayant développé de nouveaux points forts. Et en ayant vécu votre arrêt, forcé ou volontaire, non pas comme une punition ou un retour en arrière, mais comme une opportunité d’avancer différemment. « La coupure permet de revenir avec un mental frais et déterminé, à condition de l’avoir vécue sereinement, comme une phase incontournable de toute carrière sportive. On peut alors rebondir pour aller plus haut, plus loin, plus fort ! » conclut Dominique Simoncini.
2 maîtres mots : progressivité et motivation
Les premières sorties après une coupure ne sont pas forcément agréables. Le souffle est court, les jambes font mal et le chrono est impitoyable. Confronté à de telles sensations, il y a de quoi être démotivé. C’est pourtant tout l’inverse qu’il faut éprouver et, surtout, c’est un protocole de reprise qu’il faut adopter.
- Pas question de vous lancer sur un footing d’une heure et demie si vous n’avez pas couru depuis un mois, a fortiori si vous revenez de blessure ou de grossesse ! Le maître mot est la progressivité, indispensable pour éviter de rechuter et pour doper votre mental. Difficile de vous donner un protocole de reprise car il dépend étroitement de la nature de votre coupure. Après une blessure, vous devrez peut-être commencer par trottiner 5 ou 10 minutes seulement et augmenter la durée de vos footings de 5 à 10 minutes chaque semaine pour élever lentement le niveau du stress mécanique.
- Se fixer des objectifs modestes dans un premier temps, c’est remporter une victoire chaque jour. Oubliez vos chronos habituels et courez à la sensation. Laissez le temps à votre corps de retrouver ses habitudes. En élaborant un planning progressif, vous boosterez votre motivation, déjà gonflée à bloc par la frustration de n’avoir pu trotter pendant votre break.
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