La championne de trail running au palmarès aussi lumineux que son sourire a mis au monde son premier enfant en mars dernier. La jeune maman et compagne de Kilian Jornet affiche un visage épanoui qui incarne le mariage heureux entre sport de haut niveau et maternité. Interview réalisée dans le cadre du magazine gratuit Trail & run au féminin actuellement disponible dans tous les bons magasins de sport.

© Kilian Jornet

Vous aimez la nature et toutes les activités qui vous permettent d’en savourer les beautés. Vous avez donc choisi un mode de vie très simple et très proche de la nature. Pouvez-vous nous décrire votre cocon norvégien ?
Avec Kilian, nous vivons dans une petite ferme, dans un fjord, avec des montagnes en arrière-plan. Depuis que j’ai 18 ans, j’ai plus ou moins vécu en Norvège, tour à tour à Jutenheim, à Tromsö, à Lyngen et maintenant à Romsdalen. Romsdalen est un bon compromis : les étés sont plutôt sympas et chauds, les hivers sont incroyables et il y a toutes les montagnes dont on peut rêver ! J’ai toujours nourri le désir de vivre près de la nature et de faire pousser ma propre nourriture depuis mon adolescence. Aujourd’hui, je cultive mes légumes. J’ai toute la forêt à ma disposition pour cueillir des champignons et des baies et pour trouver du bois pour l’hiver. Quelques moutons vivent avec nous afin de nous aider à garder le paysage ouvert. Nous avons aussi adopté le chien d’un ami qui est parti en Nouvelle-Zélande. Nous le connaissons depuis qu’il a trois mois et il a maintenant un an. C’est vraiment chouette ! Une journée d’été classique dans ma vie commence par un footing, puis je travaille dans mon jardin avant de me reposer un peu, de travailler sur mon ordinateur et, l’après-midi, je retourne courir ou bien je fais de la préparation physique.

Vous évoquez souvent votre hygiène de vie fondée sur le bien-être et le végétarisme. Comment conciliez-vous sport de haut niveau et alimentation végétarienne ?
J’ai décidé d’être végétarienne à l’âge de 14 ans. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à lire des articles et des livres sur l’environnement… et j’ai voulu agir pour que la situation change ! Quand j’ai eu une vingtaine d’années, j’ai pensé que c’était mieux de manger du poisson et de la viande locaux. Alors j’ai modifié mon alimentation pendant quelques années. Je suis cependant redevenue végétarienne à 25 ans. Lorsque j’ai vu des reportages sur la production laitière, j’ai opté pour le véganisme. Rapidement, j’ai réfléchi et considéré la région dans laquelle je vivais. Nous ne cultivons pas de soja ou d’amandes ici. Devais-je acheter ces laits végétaux, qui sont produits loin de chez moi, plutôt que le lait de vache de mes voisins ?… J’ai donc aujourd’hui une alimentation mi-vegan, mi-végétarienne.
Lorsqu’on est végétarien, on continue à manger des œufs et des produits laitiers. Dans la mesure où on varie les apports avec des haricots, des lentilles et des légumes, je pense qu’aucun complément alimentaire n’est nécessaire. Mais cela dépend évidemment de chaque personne ! Le problème, pour une femme, peut être lié au fer. Si on est vegan, on doit réfléchir davantage aux sources d’Oméga 3 et de vitamine B12. Parfois, les compléments sont nécessaires pour garantir des taux suffisants au bon fonctionnement de l’organisme.

© Kilian Jornet

Vous pratiquez également le yoga. Est-ce une activité essentielle dans votre vie quotidienne ? Que vous a-t-elle apporté pendant votre grossesse ?
Je dirais que le yoga va et vient dans ma vie. En un sens, il est toujours présent car il imprègne la manière dont je fais certains mouvements, dont je respire et simplement dont je ressens mon corps. C’est une excellente façon d’apprendre à connaître son corps, c’est évident… mais je crois qu’il y a beaucoup d’autres moyens d’y parvenir. Je peux souvent identifier quels muscles sont fatigués. J’arrive à savoir si je suis plus éprouvée d’un côté ou de l’autre. Je sens aussi quand mon souffle est plus court. Pendant ma grossesse, j’ai pratiqué un yoga très doux en me concentrant sur les étirements et sur le haut du dos – car je suis souvent coincée à cet endroit !

Vous êtes une femme sportive exemplaire, épanouie, bien dans votre corps. Défendez-vous une certaine image de la femme dans le sport ? Comment avez-vous vécu votre grossesse et les transformations de votre corps ?
Merci de ce compliment ! Je m’entraîne et je mange pour être capable de m’entraîner et courir encore longtemps, c’est aussi simple que cela. Je prends soin de la récupération et suis attentive à mes sensations. Je vois souvent des femmes très minces souffrir de blessures que je n’ai jamais eues. Je ne sais pas si le poids et la blessure sont liés, mais je sais que je veux être en mesure de courir autant que je le souhaite et je mange absolument tout ce dont j’ai envie ! Je mange sainement, des produits biologiques, principalement des légumes et des fruits, le moins transformés possible… et j’adore vraiment mes desserts ! J’apprécie les sportives connues qui réalisent de grandes performances et sont loin d’être maigres : des filles comme Marit Björgen et Charlotte Kalla prouvent que tu peux être telle que tu es… et tout gagner !

© Kilian Jornet

Vous n’avez pas arrêté l’entraînement durant votre grossesse. Comment avez-vous adapté votre activité ? Le sport est-il toujours plus fort que la maternité, comme peut le laisser penser la célèbre photo d’une maman allaitant son enfant sur un ravitaillement d’ultratrail parue l’an dernier dans la presse ?
Je me suis sentie très bien tout au long de ma grossesse – sauf les dix premières semaines où j’étais vraiment très, très fatiguée. Je ne me suis pas entraînée pendant cette période difficile, j’ai juste fait des footings très lents ou de la gym douce. Ensuite je me suis sentie bien mieux et j’ai adapté mon activité à mes sensations et à mon état. Par rapport à ce que je faisais avant d’être enceinte, ce n’était pas un entraînement ! Mais compte tenu de ma grossesse, j’ai considéré ces sessions comme un entraînement. J’ai plus ou moins fait une activité physique tous les jours. Je pense que chaque femme doit trouver ce qui fonctionne pour son propre corps : courir, skier, marcher… ou pas ! Je crois que les femmes d’aujourd’hui ne sont plus effrayées à l’idée de faire du sport pendant leur grossesse. J’ai trouvé cette photo d’une maman ultratraileuse très inspirante : oui, tu peux courir en compétition et être la meilleure maman du monde. Je pense qu’elle devait se sentir très bien, alors pourquoi ne pas s’arrêter pour allaiter son enfant ? Là encore, c’est un choix très personnel qui doit respecter ce que l’on ressent : si tu as envie et que tu te sens prête à courir une longue distance quelques mois seulement après ton accouchement, pourquoi pas ?

Vous êtes la compagne de Kilian Jornet qui pratique non seulement le trail, mais aussi l’alpinisme. Vous pratiquez aussi le ski alpinisme et des disciplines de montagne. Pensez-vous tous deux aux risques que vous prenez ? L’arrivée de votre enfant va-t-elle modifier vos choix ?
Je ne me suis jamais considérée comme quelqu’un qui prend des risques. Bien entendu, évoluer en montagne nous confronte à des risques qui échappent à notre contrôle, mais c’est un peu la même chose partout, quoique l’on fasse et où que l’on soit – dans une ville, dans une voiture… Je crois que Kilian envisage les choses comme moi. Nous évoluons à des niveaux différents où nous atteignons les limites de nos zones de confort mais, à mon niveau, je crois que je ne prends pas de gros risques.

© Jordi Vila – Ultra Pirineu

Emelie Forsberg en bref

  • Née le 11 décembre 1986 en Suède. Passe son enfance à Härnösand (Suède), mais vit aujourd’hui à Romsdalen (Norvège).
  • Compagne de l’ultra trailer et alpiniste Kilian Jornet depuis 2015.
  • Palmarès en trail et skyrunning : En 2014, championne du monde de Skyrunning Ultra distance et vainqueur de la Coupe du monde Ultra Skyrunning Series. En 2015, championne d’Europe de Skyrunning Ultra distance. En 2016, vainqueur du Trofeo Kima, du Tromsö VK et du Kendal Mountain Running. En 2017, 2e de l’OCC et vainqueur de la Glen Coe Skyrace. En 2018, plusieurs records féminins dont l’aller-retour au Mont Blanc en 7h53 et au Mont Rose en 5h03.
  • Palmarès en ski alpinisme : en 2015, 3e de la Coupe du monde. En 2017, vainqueur de la Pierra Menta et 2e des championnats d’Europe de sprint et vertical race. En 2018, 3e des championnats d’Europe de course individuelle.
  • Auteur du livre Vivre et courir, éditions Mons, 2018. 29 €. Dans ce premier livre autobiographique, la jeune Suédoise partage sa philosophie de vie. Elle expose son attachement à la nature, son bonheur de vivre au cœur des montagnes norvégiennes, sa joie de cultiver ses propres légumes et de partir cueillir des baies en forêt. Elle dévoile ses recettes préférées, ses astuces bien-être et sa bienveillance envers son corps. Pour Emelie, le sport est au service de la vie. Un ouvrage illustré de photos poétiques prises par son compagnon, Kilian Jornet.

© Kilian Jornet

Lorsqu’Emelie se confie… 

  • Ma grossesse heureuse

Être enceinte est l’expérience la plus belle et la plus extraordinaire que j’aie vécue. Je ne pouvais pas imaginer une seconde éprouver de telles émotions ! C’est comme si j’avais TOUT. Pas en termes matériels, financiers ou intellectuels, mais je me sentais juste profondément chanceuse. Et calme. Comme si tout allait forcément bien se passer.

  • Maui, notre nouveau compagnon

Depuis quelques mois, Maui nous a rejoints. Maui, c’est le Goldendoodle noir d’un an que nous connaissons depuis ses premières semaines et que nous avons adopté. Sa famille a dû partir vivre en Nouvelle-Zélande, alors nous l’avons recueilli. Notre métier d’athlètes nous contraints à beaucoup voyager, mais un voisin pourra s’occuper de Maui pendant nos absences. J’aime les chiens depuis mon adolescence, époque à laquelle j’avais deux bergers allemands.

  • Commencer la journée

Sortir un instant. Remplir mes poumons d’air frais. Regarder autour de moi. M’installer tranquillement dans la journée. Parfois faire un peu de yoga. Puis savourer le premier café avec une brioche à la cannelle ou des pancakes. Lorsque je prends le temps de commencer une journée, je me sens toujours mieux préparée à ce qui vient.

  • Le sport… et la cuisine !

J’aime cuisiner. J’adore surtout mes desserts ! Je fais des barres à la noix de coco et au chocolat, de la glace à la fraise, des brioches à la crème d’amande et d’orange, du gâteau de carottes, des cakes à la pomme…

  • Être maman, un pur bonheur

Ce petit bout… C’est incroyable d’avoir l’honneur d’être sa maman ! Suivre jour après jour son développement, essayer de comprendre ses besoins et ses désirs. Ses premiers sourires, ses roucoulements et ses gargouillements, sa force. Elle rend la parentalité facile pour nous. La vie a changé, c’est une certitude. Je suis si enthousiaste de poursuivre chaque étape de ce voyage ! Mes objectifs sportifs n’ont pas changé et j’ai hâte de donner le meilleur de moi-même en tant que traileuse et skieuse. Même si cela compte, en un sens cela n’a pas d’importance du tout.