Courir est un jeu et la montagne un vaste terrain de rigolade. A regarder Hillary Gerardi, l’Américaine délicieusement frenchy, le trail semble être une immense partie de plaisir. Pourtant, derrière l’éternelle bonne humeur, vibre aussi un énorme moteur. 

Côtoyer Hillary, c’est comme prendre un chaleureux bain de soleil. La lumière de son sourire est un pur shoot de bonne humeur, la contagion de son rire est une irrésistible invitation à voir la vie en rose. Son accent américain titille l’imaginaire : lorsque sa voix dorlote les intonations du français, on imagine les paysages immenses outre-Atlantique, les litres de Coca et les burgers gigantesques. Pourtant Hillary n’a pas grandi au milieu des fast-food, mais au cœur du Vermont – « sur la carte, en haut à droite », précise-t-elle avec malice – et de la ruralité américaine. « Ma famille n’est pas sportive, mais nous passions énormément de temps à l’extérieur. J’ai fait 13 ans de gymnastique, puis j’ai testé d’autres sports au lycée, avant de tout arrêter quand je suis entrée à l’université. Là, j’ai fait la fête ! En tout cas, je ne courais jamais », raconte la championne avec sa franchise habituelle. Le jeune étudiante commence alors à travailler dans un refuge d’altitude et s’adonne à la montagne : escalade et randonnée s’immiscent petit à petit dans sa vie. « C’est pendant cette période que j’ai eu l’idée de faire des challenges où je faisais 80 bornes dans la journée pour visiter les autres refuges. J’ai juste participé à un trail en 2010, qui devait faire autour de 25 bornes, parce que Brad, mon copain d’alors qui est aujourd’hui mon mari, m’avait convaincue de le faire. J’ai gagné, mais j’aimais plutôt faire des trucs en rando pour moi, histoire de me lancer des défis. Pas du tout pour aller plus vite que les autres, mais juste pour voir si j’étais capable de relier un point à un autre en une journée », confie-t-elle. 

© Mathis Dumas

Il faut croire que Brad dispose d’une sacrée capacité de persuasion. Après avoir réussi à épingler un dossard sur le tee-shirt de sa compagne, le voilà qui l’embarque à Grenoble où il poursuit ses études en écologie alpine. « Je ne devais rester que six mois… et ça fait presque huit ans aujourd’hui qu’on vit en France ! », s’amuse Hillary. L’amour de la montagne les habitent tous deux, alors ils sillonnent les massifs autour de la capitale des Alpes. Hillary court un peu, juste pour se maintenir en forme. « Un jour, on est allé faire du ski de rando à Chamonix. J’ai fait une chute de 450 mètres dans un couloir raide à cause d’un problème avec ma fixation. J’ai terminé dans une crevasse. Miraculeusement, je n’ai eu que quelques points de suture et des hématomes, mais je me suis dit : ‘’Peut-être que tu devrais essayer quelque chose de moins dangereux, non ?’’ Alors j’ai retenté le trail. » Du coup, le couple s’inscrit au Grand Duc de Chartreuse en relais à deux. Pour se préparer, Hillary s’inscrit au trail des balcons sud de Chartreuse. « J’ai gagné un jambon cru de 6 kg, j’ai trouvé ça trop cool ! Je voulais continuer le trail rien que pour ça : je croyais qu’on remportait ce genre de cadeau à chaque fois ! », s’exclame l’Américaine en riant. 

© Mathis Dumas

Mais les longues distances, pas question. Enfin, c’est sans compter une brutale envie de tester l’expérience sur le Tour des Cirques du Grand raid des Pyrénées. Une petite balade de 120 kilomètres dont la jeune traileuse sort victorieuse en 26 heures – « il n’y avait personne, j’étais loin du haut niveau », estime-t-elle. L’année suivante, une malencontreuse chute à vélo l’éloigne de l’entraînement pendant un mois et anéantit ses projets de participation à L’Echappée Belle, un ultra de 144 km et 11 100 m D+. Guidée par un ami devenu son coach, Florian Mairy, Hillary découvre le skyrunning. Et tombe littéralement amoureuse du concept ! « J’adore les montées raides et les terrains techniques. Ça vient sans doute du fait que j’aie commencé par la montagne. Je peux faire beaucoup de dénivelé en faisant de la randonnée agressive. C’est ça que j’aime. Quand ça court trop, c’est difficile pour moi. » Ses résultats en 2018 confirment son incroyable capacité à évoluer en milieu scabreux. Vainqueur de la Tromso Skyrace (Norvège) et du Trofeo Kima (Italie) face à un plateau de très haut vol, Hillary a caracolé toute la saison aux avant-postes du classement des Skyrunner World Series Extra et des Skyrunner World Series Overall. « Avec mon nouvel entraîneur, Antonio Gallego, j’ai beaucoup travaillé la course à pied et la VMA depuis février. J’aime travailler mes faiblesses. » 

Installée à Servoz avec Brad depuis deux ans, où elle remplit les fonctions de responsable de développement au Centre de recherche sur les écosystèmes d’altitude du Mont Blanc, Hillary s’épanouit comme une edelweiss au soleil d’altitude. Elle saisit les opportunités au gré de ses envies, sans jamais se cantonner à ce qu’elle connaît déjà. « J’ai des projets pour le fun, comme mon reporting pour le TV Live de l’UTMB® fin août : mon premier essai devant les caméras était vraiment rigolo. Je fais les choses parce que j’éprouve du plaisir à les faire, qu’il s’agisse de mon travail ou du sport. Lorsque je n’ai plus de plaisir, j’arrête. La vie est trop courte pour s’imposer des choses qu’on n’apprécie pas. » Epicurienne, Hillary croque la vie à pleines dents : des petits plats qu’elle mitonne tous les jours aux grands verres de (bonne) bière, des kilomètres verticaux aux ultras les plus terribles, elle traverse l’existence avec un indéfectible sourire. « J’ai lu que sourire rendait plus faciles les choses difficiles. Ce principe est resté gravé dans ma tête. Cela m’aide beaucoup, tout le temps. Quand je trouve très dure une séance ou une course, je me dis que je suis là parce que je l’ai décidé, parce que j’ai envie de le faire. Et puis je suis tellement impressionnée que mon corps soit capable de faire ça ! Je souris et je peux aller encore plus loin. » 

© Mathis Dumas

Hillary en bref

Nationalité : américaine

Age : 31 ans 

Profession : responsable de développement au CREA Mont Blanc, traductrice freelance. 

Vit à Servoz. 

Pratique le trail running depuis 2012. 

Membre du team Scarpa Compressport. 

Palmarès express : vainqueur du Trofeo Kima 2018, vainqueur de la Tromso Skyrace 2018, vainqueur du Monte Rosa Skymarathon 2018, 4eà l’Ultra Skymarathon Madeira 2018, vainqueur de la Pierra Menta d’été 2018 en duo féminin avec Katie Schide, vainqueur du KV du Mont Blanc 2018, 4eau classement Skyrunner World Series 2017, 2ede la skyrace de Canazei 2017, vainqueur de la Pierra Menta d’été 2017 en duo féminin avec Célia Chiron, 8ede la skyrace de Limone 2016, 3ede la Skyrhune 2016, vainqueur de la Pierra Menta d’été 2016 en duo mixte avec Maxime Léger.