Avachie dans le canapé, la patte surélevée et momifiée dans une bande de contention digne des plus beaux sarcophages. Dehors, le soleil hivernal darde ses rayons avec une impertinence à la limite du supportable. Le pire, ce sont sans doute ces foutues montagnes saupoudrées de neige fraîche qui, tout illuminées, semblent me rire au nez.

Ouais, je suis scotchée au canap’. Et j’enrage. Je trépigne (mentalement parce que, physiquement, ce n’est pas possible). J’éprouve une espèce d’énervement foncier qui me rend encore plus encline que d’habitude aux blagues à deux balles et aux jeux débiles avec le chien qui, fort heureusement, n’a pas de smartphone pour graver dans le marbre digital ce qui constituerait un beau dossier.

Programmer une coupure sportive, c’est se préparer psychologiquement (des mois à l’avance vu la difficulté de l’exercice !) à ne rien faire pendant plusieurs semaines. On sait que de telle date à telle date, on troquera l’habit de coureur acharné contre celui de quasi-sédentaire. Celui d’une personne « normale », en fait. En revanche, subir un arrêt pour raisons médicales, c’est tomber brutalement dans l’inactivité la plus totale sans l’avoir choisi. Et là, avouons que c’est nettement plus compliqué à gérer mentalement.

« Tu verras, tu reviendras plus forte… T’inquiète pas, jusqu’à deux semaines d’arrêt, y’a quasiment pas de conséquences sur l’entraînement… Et puis cette opération, c’est pour être mieux après, alors c’est un mal pour un bien ! » On a beau entendre les gentillesses distillées par les amis, on a une furieuse envie de ruer dans les brancards, d’arracher la bande de contention jamais serrée comme il faut (soit c’est super lâche et ça ne sert à rien, soit ça te fait un garrot en imprimant le dessin du tissu dans tes chairs tuméfiées) et de partir en courant dans les chemins qui t’appellent depuis des jours. Mais la politesse l’emporte, alors tu souris et tu remercies les gens pour leurs sympathiques paroles de réconfort.

Au fil des jours et des heures passées sous les électrodes du Compex, je finis par me faire une raison. Rien ne sert de râler, ça ne raccourcira pas la durée de la convalescence. On m’a charcuté la jambe pour la bonne cause en m’affirmant que c’était « bénin ». C’est vrai que se faire tripoter une grosse veine dans le membre inférieur pendant 45 minutes sous anesthésie générale, c’est une formalité. Pour le chirurgien qui fait ça à longueur de journée, hein, parce que pour le patient, c’est une autre affaire !… Bref, une semaine après la session de charcuterie, je regarde ma jambe aux belles nuances de bleu, violet, jaune et vert et mon aine couturée avec un magnifique fil noir. Et je me dis que les 10 jours réglementaires de repos vont bientôt arriver à leur terme. Il est ensuite autorisé de « reprendre des activités normales ».

« Normales » ?…

Vous avez bien dit « normales » ?…

Quelque chose me dit que le gars qui rédigé la petite fiche d’instructions post-opératoires ne se doute pas de ce que peut recouvrir ce mot bénin… heu, non, banal !


Nota bene (sérieux, pas comme le reste de l’article) : L’expérience que je vis actuellement me pousse à conseiller à tous ceux qui souffrent de varices de ne surtout pas négliger les examens de contrôle et de ne pas trop attendre avant de se faire soigner. J’ai fait l’erreur d’attendre près de 10 ans entre deux Doppler et je paierai à vie ce laxisme. Ma jambe sera marquée par une belle coloration de la peau à l’endroit où la varice a dégénéré au fil des ans. Bref, foncez chez votre angiologue !