J’ai couru en France, en Suisse, aux îles Canaries, en Espagne continentale, au Maroc, à l’île Maurice. Jamais en Italie. Pourtant combien de fois m’a-t-on parlé de cette ferveur qui anime le public de la Botte ! J’avais donc hâte de découvrir le trail à la mode italienne. L’opportunité s’est présentée cet automne avec le Valtellina Wine Trail, événement initié et porté par le sextuple champion du monde de course en montagne, le grand Marco de Gasperi.
A peine débarquée à Sondrio, petite ville du Valtelline, mes yeux dévorent tout ce qui m’entoure : le site d’arrivée est déjà monté avec ses deux arches, sa ligne droite habillée de banderoles, ses oriflammes, son portique surélevé, le gigantesque camion Scott avec scène et écran géant, un chapiteau XXL pour le repas d’après-course et la fête du samedi soir, des stands de partenaires… Wouah, ça en jette ! Je suis épatée par les moyens déployés. Bon, par contre, côté retrait des dossards, il y a encore des progrès à faire : la queue s’étire sur des dizaines de mètres… Il faut dire que seuls deux bénévoles distribuent les précieux rectangles de papier, donc ça bouchonne forcément puisque cette quatrième édition réunit 2000 participants. En tout cas, côté cadeaux, les concurrents sont gâtés : une bouteille de vin, un paquet de polenta et un autre de bresaola, un tour de cou Scott, une gourde souple… Le sac coureur illustre l’âme de l’événement : ici, on ne fait pas que courir, on découvre aussi un territoire à travers son patrimoine gastronomique.
Samedi 5 novembre, 10 heures. Au même moment, les trois courses démarrent, en trois points différents. Les coureurs ont été acheminés sur les sites par train pour les 42 et 21 km, par bus pour les 12 km. Evidemment, un système de vestiaire permet de déposer un sac avant le départ. En ce samedi de pluie diluvienne, ce n’est pas du luxe de rester au sec sous un k-way jusqu’au dernier moment !
Présente sur l’événement pour un reportage, je suis plus particulièrement l’épreuve de 21 km et 914 m D+. L’itinéraire révèle un état d’esprit complètement différent du nôtre, en France, où nous traçons des parcours en pleine nature en quête d’isolement, de singles sauvages, de technicité. Ici, les coureurs traversent sans cesse des villages, longent des églises, entrent dans les caves viticoles, sillonnent les vignes. Partout, bénévoles et public les applaudissent et les encouragent malgré les cordes qui s’abattent sans discontinuer sur le Valtelline depuis cette nuit. L’ambiance qui règne sur la course me donne envie de participer, d’éprouver moi aussi le frisson qui doit s’emparer des concurrents lorsque les gens clament « Vai, vai ! » à tue-tête. Et l’arrivée, oh l’arrivée !… D’abord quelques foulées dans les ruelles piétonnes de Sondrio où un tapis a été posé au sol, telle une allée d’honneur. Puis cette ultime ligne droite bordée de barrières et de banderoles derrière lesquelles le public se masse sous la pluie, applaudissant, tendant la main pour toucher les coureurs, criant « Bravo ! » à tous les finishers sans distinction. Enfin, cette mise en scène finale : le speaker qui accueille chacun avec une énergie et un accent chantant dans la voix, la musique festive diffusée à pleins tubes sur la place principale de Sondrio, les vidéos qui tournent en boucle sur l’écran géant… Ce Valtellina Wine Trail est un événement total, un véritable spectacle non seulement pour les coureurs mais aussi pour le public. « On ne s’ennuie jamais, il y a toujours quelqu’un ou quelque chose à voir », me confie Julien Rancon, vainqueur des 42 km et nouveau recordman de l’épreuve avec un joli 3h13 au compteur.
Un peu plus tard, la remise des récompenses confirme tout ce que l’on m’avait dit de la ferveur italienne. Alors que, chez nous, les cérémonies protocolaires se déroulent souvent devant un public clairsemé, nos amis italiens honorent les vainqueurs de leur présence. La place Garibaldi est presque pleine malgré la nuit tombante et le crachin qui s’abat toujours sur la ville. La musique pulse toujours à fond et les deux speakers annoncent les noms avec un enthousiasme communicatif et des envolées incroyables. Les podiums se succèdent sans temps mort, comme un spectacle ininterrompu. Je me laisse porter par l’ambiance, d’autant plus que je suis aux côtés de Julien, vainqueur du marathon, d’Anne-Lyse Chamiot-Poncet, 3e des 21 km, et Fred Thérisod, 4e des 21 km. Un irrépressible frisson me parcourt la peau lorsque chacun d’eux grimpe sur la scène illuminée, acclamé par les vivats nourris. Tous reviennent avec les bras chargés de cadeaux : bouteilles de vin, trophée énorme, lampe frontale… Ils sont gâtés !
En parallèle, le repas d’après-course se termine, composé évidemment de spécialités locales. Le soir, une « party » proposera du vin et de la bière, de la musique et des danses endiablées. Avec ma petite troupe de champions, le dîner sera lui aussi animé. Nous atterrissons dans un restaurant bondé où le serveur nous trouve une petite place et, immédiatement, félicite Julien (qu’il reconnaît sans hésiter car, de son restaurant, il a suivi la course sur Facebook) pour sa victoire et offre la tournée de bière pour fêter la performance. Hallucinant…
Le lendemain, les courses enfants prennent leurs quartiers dans la ville et bénéficient du même site d’arrivée et de la même ambiance de feu. Quelle émotion de voir ces gamins habillés aux couleurs de leur club, s’échauffer ensemble, courir comme des dératés dans les rues !…
Mais la route est longue jusqu’aux Alpes françaises, alors il faut songer à s’arracher à cette atmosphère festive. Un dernier mot échangé avec Marco puis nous montons en voiture. Maintenant, je comprends pourquoi les coureurs qui me parlent de l’Italie ont les yeux pleins d’étoiles et le sourire aux lèvres. J’ai déjà coché la date dans mon calendrier 2017 : début novembre, j’irai courir dans le Valtelline !
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