Une place de village coincée entre le lavoir, l’église et un mur en pierres. Une arche de départ qui mange toute sa largeur et, sous le boudin de plastique gonflé d’air, une foule de coureurs aux visages souriants. Le speaker n’a rien d’un professionnel de l’animation, mais il est sympa et il fait lever les bras aux concurrents qui entrent facilement dans son jeu. L’air de rien, il y a des spectateurs et des photographes devant la ligne de départ. Il y a même des journalistes du canard et de la télévision locaux ! Il faut dire que ce modeste cross renaît de ses cendres grâce à une poignée de passionnés. A Tencin, une course pédestre existait voici plus de 20 ans. Malheureusement, comme beaucoup de ses consœurs, l’épreuve avait disparu. Sans doute faute d’organisateurs motivés. Probablement aussi faute de moyens. A la grâce d’une densification démographique (Tencin voit pousser les maisons et les petits immeubles comme des champignons autour d’une centrale nucléaire), la vie associative de la commune a retrouvé des couleurs et un club de running est né. Et voilà que ressuscite l’historique « cross de Tencin » !
Franchement, j’adore ces ambiances conviviales et sans chichis. On est loin des organisations de grande ampleur où tout est scénarisé et sponsorisé. On est très loin des aires de départ où la tension des coureurs est palpable avant l’épopée qui leur procurera autant de bonheur que de souffrance. Je crois que l’on touche ici à l’essence même de la course à pied. On voit de tout : des athlètes taillés à la serpe avec leurs cuisses et leurs mollets dessinés, des coureurs réguliers qui s’échauffent soigneusement, des sportifs du dimanche équipés de sacs à dos de montagne qui promettent de ballotter horriblement dans les descentes. Mais on s’en fiche pas mal : on est tous là pour se faire plaisir, pour relever un défi chacun à son niveau, pour participer aussi à la vie d’un village.

Ce n’est pas bien d’agir ainsi, mais j’avoue quand même : j’ai pris le départ de ce cross sans dossard. Ouhouhouh, la vilaine !… Ben quoi, on n’a pas le droit de s’entraîner tranquillement ? Je ne voulais pas épingler un dossard pour une simple et excellente raison : ayant ressenti une douleur au genou lors des deux entraînements précédents, je ne souhaitais pas me donner à fond, mon objectif étant les 36 km de L’Ardéchois et non ce petit cross (pardon, messieurs les organisateurs, mais j’admets que votre épreuve n’était vraiment pas une priorité pour moi). Bref, me voilà aux côtés d’un ami (doté d’un dossard) avec un objectif : faire une bonne séance de fartlek tout en l’accompagnant sur ces 15 km et 680 m D+.
Au fur et à mesure que nous progressions, une question me taraudait : pourquoi une telle course s’appelle-t-elle un « cross » alors qu’elle a tout d’un trail ou d’une course de montagne ? Avec son profil « montée-descente », ses petits raidards qui piquent les jambes, sa descente roulante et sa distance idéale pour se mettre minable en un rien de temps, ce « cross » illustre parfaitement un fait : avant que le trail n’émerge officiellement dans le paysage du running, il existait déjà sous une forme que l’on désignait grâce au mot « cross ». Les mots passent, les courses et l’esprit restent… 😉
Bon, en tout cas, je me suis drôlement amusée sur les sentiers de Tencin ! A tel point que je me demande si je ne préfère pas jouer sans dossard qu’avec… Et si je prenais ma retraite d’athlète ? 😉
19/04/2016 at 09:26
Un article bien joliment écrit, on se reconnait dans cette jolie prose, merci !