Sous un véritable déluge digne d’une apocalypse, Emmanuel Meyssat (Manu pour les intimes) s’est imposé in extremis hier au Trail Givré de Montanay (un trail qui portait mal son nom vu la quantité d’eau qui recouvrait le parcours !). Après un an d’arrêt complet de la course à pied, Manu revient donc en grande forme. Et avec une motivation décuplée. Rencontre.
Toi qui caracolais en tête des courses auxquelles tu participais, tu as disparu des écrans radars pendant plus d’un an. Que t’est-il arrivé ?
« J’étais blessé. Au cours de ma carrière, j’ai subi plusieurs coupures mais celle-ci a été la plus longue : elle a duré un an. J’ai été victime d’une fissure au tendon rotulien avec une tendinite chronique. Je n’ai pas du tout couru pendant un an. »
Comment as-tu géré cette période sans course à pied ? As-tu pu pratiquer d’autres activités sportives pour compenser ?
« Je faisais un peu de vélo et du home trainer en hiver. Pendant deux ou trois mois, on m’a même interdit le vélo. Je me suis alors mis à la natation… à mon grand désespoir ! Même si je me débrouille, je n’aime pas la piscine. Du coup mes séances étaient très courtes. De plus, la piscine n’était pas ouverte le soir quand je sortais du boulot. J’avais juste un créneau de 45 minutes pour m’entraîner. Je me forçais à y aller trois fois par semaine. C’était le calvaire. Je n’éprouvais aucun plaisir. En fait, je n’angoissais pas la reprise de la course à pied, mais c’était la durée de la blessure qui m’embêtait un peu. Tant que je faisais du vélo, je savais que ça me maintenait bien. La natation, ce n’était pas pareil… J’ai heureusement pu remonter sur le vélo en avril 2015. Puis j’ai rattaqué très doucement à pied. J’avais du mal à me rendre compte que j’étais à la rue. J’étais très bridé, donc je n’ai pas vraiment ressenti que j’avais du travail pour revenir… J’alternais avec du vélo. Je roulais quatre fois par semaine. Je savais que j’avais de la condition physique car j’ai participé à quelques montées cyclistes chronométrées. En revanche je ne me rendais pas compte combien de temps serait nécessaire pour revenir à un niveau correct en course à pied. »
Quand as-tu pu véritablement reprendre le running et comment cela s’est-il passé ?
« J’ai épinglé mon premier dossard à la mi-septembre 2015 sur un duathlon. Quelle joie de reprendre ! J’étais comme un gamin, c’était un vrai cadeau ! J’avais fait une ou deux séances qui me laissaient voir que je n’étais pas mal en course à pied. Je m’attendais quand même à être poussif, mais finalement c’était moins terrible que prévu. Je me suis mieux senti sur la course qu’à l’entraînement. J’ai réussi à accrocher un gars assez bon, ce qui était très positif pour la confiance. Cela m’a permis de reprendre la course à pied avec encore plus d’envie et de motivation. Ma confiance n’était pas atteinte. J’éprouvais quand même une petite appréhension liée au fait que ce duathlon était une course sur route et que je risquais de le payer le lendemain au niveau du genou… Je n’avais pas eu d’alertes à l’entraînement, mais comment le genou allait-il réagir après 8 km rapides sur bitume ? Heureusement, je n’ai eu aucune douleur après la course. »
On dit souvent qu’une blessure permet de revenir plus fort, notamment d’un point de vue mental. Cela a-t-il été le cas pour toi ?
« Cette coupure était une épreuve supplémentaire à surmonter. Mais mon moral n’a jamais lâché. Je me suis raccroché à autre chose que la course à pied, notamment à ma fille qui est née en avril 2015. Cela fait 16 ans que je fais du haut niveau. Ce n’était donc pas comme si j’étais en pleine ascension. En tout cas, j’ai tiré des enseignements positifs de cette blessure : tout cela n’est pas arrivé par hasard. J’ai découvert que ma pose d’appui n’était pas bonne sur l’un de mes pieds qui vrillait. En filmant ma foulée, on a analysé ma gestuelle. En fait, cette blessure me pendait au nez depuis 2-3 ans. Ça aurait pu arriver plus tard. Le trail a pu empirer le phénomène. A posteriori, je me dis que c’était un mal pour un bien. J’ai réappris à courir. Je pensais que c’était impossible de modifier ma gestuelle mais, en bossant un peu, je me suis aperçu que le cerveau commandait tout. J’ai galéré pendant deux ou trois séances pour changer ma technique, puis j’ai pris conscience du geste à réaliser et j’ai réussi à le mettre en place. J’ai également modifié mon entraînement grâce à cette blessure. J’ai introduit un entraînement dédié uniquement à la proprioception et à la PPG. Chaque semaine, je fais 20 minutes de home trainer puis une heure de PPG, de pliométrie, de gainage… Même si j’ai corrigé le problème à l’origine de ma blessure, il faut rester vigilant. On a souvent peur d’enlever des kilomètres dans un plan d’entraînement. Pour l’instant, cette approche ne me porte pas préjudice. »
Qui est ton entraîneur ?
« Je me gère, je n’ai pas de coach. Je n’ai jamais eu vraiment d’entraîneur, sauf entre 1994 et 1998. J’ai appris à bien me connaître. J’ai fait des erreurs, j’ai voulu en permanence tester, apporter des éléments différents. Aujourd’hui, j’espère faire les bons choix. Avec l’expérience, il est évident que c’est plus facile de s’auto-gérer. En tout cas, quand on atteint un certain niveau, on se dit qu’on est un minimum dans le vrai. Le fait d’être performant valide la méthode d’entraînement. »
Quelle est donc la méthode Meyssat ?
« Plus les années passent, plus je diversifie l’entraînement. Je prône complètement l’entraînement croisé. J’aime la diversité. En trail, on est confronté à des difficultés de déplacement en raison de la nature du terrain, donc il faut être complet d’un point de vue musculaire. Le vélo apporte beaucoup de puissance et limite les chocs. J’ai constaté que je suis beaucoup plus fort à pied en montagne l’été que l’hiver, autrement dit quand je roule davantage à l’extérieur. En été, je réalise la moitié de mon entraînement à vélo et l’autre moitié à pied. En hiver, je maintiens un entraînement de home trainer par semaine. »
Tu es spécialiste de course en montagne et trail court. Les longues distances t’attirent-elles ?
« Le trail m’intéresse jusqu’à 40-50 km. Je n’ai pas envie de passer des heures à l’entraînement. Or préparer un ultra exige des sorties très longues et contraignantes. Quand tu veux avoir une vie à côté, tu ne peux pas tout caser. Je reste coureur, donc je préfère les épreuves où l’on court vraiment et où l’on court rapidement. J’aime quand ça court. Je n’aime pas marcher dans les montées. Si je veux marcher, je prends mon sac de rando ! Mais je comprends que certains prennent plaisir dans l’ultra. Je suis admiratif de ceux qui font l’UTMB et la Diagonale des Fous car c’est dur de courir encore après 20 heures d’effort. Ceci dit, je ne suis pas sûr que ce soit très bon pour l’organisme. »
Quels sont tes objectifs en 2016 ?
« C’est encore un peu flou, mais je sais déjà que je vais évoluer sur plusieurs circuits. En course de montagne, je serai aux championnats de France pour tenter une qualification aux championnats d’Europe. Je ferai aussi un peu de trail. Cette année, j’aurai un double emploi puisque j’évoluerai aussi en duathlon en D1 pour l’équipe de Metz, championne de France 2015, que j’ai intégrée. Je serai donc sur plusieurs fronts, comme chaque année ! »
Manu Meyssat
35 ans
Enseignant de la conduite à Lyon et coach sportif
http://manu-meyssat-coaching.joomla.com/presentation
Palmarès express
Vice-champion de France de course en montagne 2014, 2009 et 2007
Vainqueur de la coupe de France de course en montagne en 2013 et 2009
13e aux championnats d’Europe de course en montagne en 2013, 8e en 2010 et 2009, 15e en 2008
Vice-champion d’Europe par équipe de course en montagne 2010, 2009 et 2008
20e aux championnats du monde de course en montagne 2013 et 2010
Champion de France de trail 2011
Vice-champion de France de trail 2013 et 2010
Vainqueur du TTN court 2013
Champion de France de kilomètre vertical 2014
12e des championnats du monde de marathon de skyrunning 2014
12/02/2016 at 04:15
Bonjour ! sais-tu par hasard de quelle manière il a modifié sa gestuelle et quel était le souci qui l’a mené à la blessure ?
12/02/2016 at 16:52
Bonjour ! Emmanuel m’a parlé d’un pied qui « vrillait », mais je n’en sais pas bien plus. Apparemment, c’était la pratique intensive avec une mauvaise pose de pied au sol qui a engendré au fil du temps une tendinite chronique et un problème au genou. J’imagine qu’il y avait un faisceau de paramètres expliquant la blessure : mauvaise gestuelle, peut-être un peu de fatigue, peut-être aussi un manque de renforcement musculaire (qu’il a désormais intégré dans son entraînement hebdomadaire). Sa blessure fait-elle écho à un problème que tu rencontres également ?
12/02/2016 at 17:32
La plupart des blogs évoquent des semelles orthopédiques pour corriger un défaut de foulée ( ou bien de nombreuses visites chez un kiné ou osthéo) mais très rarement un « ré-apprentissage » de la course à pied, comme il le décrit lui même (« J’ai réappris à courir. Je pensais que c’était impossible de modifier ma gestuelle … » ); il me semblait donc intéressant d’en savoir plus sur sa démarche. Ca fait écho à une petite « dissymétrie » que j’ai observé chez moi et que je tente de corriger par la technique également.