Marathon du Larzac. Départ à Montredon à 7 heures du matin. D’abord, trouver ce petit village perdu dans l’Aveyron (vive la navigation GPS qui commence par m’envoyer bien au-delà du territoire aveyronnais !). Ensuite, parvenir à allumer correctement ma frontale, cet animal que je n’ai encore jamais utilisé en course. Nous sommes 450 au départ de cette nouvelle épreuve du Festival des Templiers. Petit échauffement, puis attente derrière une banderole originale puisque le mot « départ » a pris forme grâce à la signature des concurrents le matin même. « Peut-être qu’on a signé une pétition, en fait… » s’amuse un coureur à côté de moi.
Bon, trêve de plaisanterie, le starter a entamé le décompte. Et hop, la horde de loupiotes est lâchée dans la nature ! Moi qui redoutais de ne rien voir et de trébucher sur la première racine venue, voilà que je me surprends à adorer trotter dans l’obscurité trouée par nos phares. On y voit presque comme en plein jour dans le faisceau de nos lampes. Dans la nuit, le bruit de nos pas sur la terre et de nos souffles dans l’air frais sont démultipliés. On dirait que l’atmosphère tout entière est remplie des sons de notre cavalcade nocturne.
La première heure de course passe à toute vitesse (et le GPS confirme qu’on n’a pas traîné !). Je passe au premier ravitaillement, à Pierrefiche, avec Marie Dohin (9e des championnats de France de trail long 2015). Nous avons échangé quelques mots et décidé de faire un maximum de kilomètres ensemble. Les sensations sont top, je me surprends à espérer une victoire ou une deuxième place derrière Marie qui semble très en forme elle aussi.
Non, il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Peut-être trop euphorique, sans doute trop distraite aussi (je regarde une dizaine de vautours fauves dans le ciel et je papote avec Marie), dans une descente, au-dessus des gorges de la Dourbie, je bute dans un caillou… et blam ! je m’étale de tout mon poids ! Je me relève tant bien que mal. Le genou a éclaté, la main droite est ensanglantée, le pouce gauche gonfle à vue d’oeil, mon visage a tapé lui aussi sur les pierres. Mon nez saigne comme une fontaine. Marie me donne de l’eau claire pour me rincer un peu les mains. Et nous repartons. Mezzo piano. Une main sur le nez pour stopper le saignement. Le genou et la main qui dégoulinent. Je m’en mets partout et je tremble comme une feuille tellement j’ai eu peur. Et là, le moral tombe au fond des chaussettes : le GPS me dit qu’il reste… 20 km avant l’arrivée… La course promet d’être longue tout-à-coup, trèèèès longue !…
Le cerveau est quand même étonnant. Il a dû débrancher le canal « douleur » car je peux courir malgré mes bobos. Et je ne cours pas si mal, même si je laisse Marie s’envoler, préférant ralentir pour récupérer un peu de ma frayeur (et éviter de tomber encore une fois).
Sommet d’une côte avant la descente sur Massebiau. Je reste vigilante car je crains les erreurs de parcours. Je suis talonnée par deux concurrents. Nous courons… courons… et puis je me retourne : « le balisage est léger, non ? On devrait faire demi-tour, on a dû rater un truc… » L’énervement me gagne, j’accélère, je sens qu’une mauvaise surprise m’attend. Quand nous rejoignons l’itinéraire de la course, qui vois-je à 20 mètres ? Marie et un groupe de coureurs qui se sont eux aussi égarés ! Marie et moi unissons de nouveau nos forces. Mais le coup au moral est terrible quand nous apercevons devant nous une fille : la troisième qui a bénéficié de notre erreur et s’est emparée de la tête de course. Nous enrageons toutes les deux. Au pied de la montée au Cade, j’encourage Marie car mon genou me fait mal et je sais que je ne pourrai pas suivre : « tu peux la rattraper, va chercher la première place ! » Marie a beau me répondre : « on y va ensemble », je la laisse filer.
La fin de course est un long parcours du combattant. Le cerveau doit avoir du mal à gérer la douleur maintenant. Il faut dire que ma jambe est impressionnante. Le public et les bénévoles me demandent tous si j’ai besoin d’aide, si je veux me faire soigner, si je ne vais pas trop mal. Moi, mal ? Noooooon… si peu… A 4 km de l’arrivée, blam ! Je retombe ! Sur le même genou, évidemment ! C’est reparti pour une séquence écoulement sanglant sur le tibia… Là, j’avoue que j’en ai ras le bol, j’ai envie de jeter l’éponge et de m’asseoir au bord du chemin. Mais je suis troisième, alors je cours, je cours, je cours…
Enfin, l’arrivée. Fred Bousseau mitraille ma jambe en me souriant. Les speakers s’étonnent de mon état lamentable. Photo sous le portique mythique des Templiers avec Marie Dohin, qui a repris la première place, et Céline Costes, qui s’est emparée de la deuxième. Rideau.

Toute expérience permet de grandir, aussi difficile soit-elle. Hier, sur les sentiers du Larzac, j’ai pris un immense plaisir à courir, notamment de nuit. J’avais des jambes de folie. Mais mon inattention de quelques secondes à peine m’a coûté cher. J’ai ainsi appris que la montagne ne pardonnait pas la moindre déconcentration. Quand tu te sens invincible et euphorique, la nature te rappelle vite à l’ordre et te donne une leçon d’humilité. Finalement, on est peu de chose face à un malheureux caillou au milieu du chemin.
Un grand merci à mon assistance, Lionel Montico, ainsi qu’à tous ceux qui m’ont encouragée parmi les concurrents, le public et les bénévoles.
Merci aussi à Marie Dohin de m’avoir aidée à me relever, d’avoir partagé avec moi tous ces kilomètres et d’être allée chercher la victoire.
Et comme toujours merci à mes partenaires : Meltonic pour la nutrition toujours aussi géniale, Run Alp et Helly Hansen pour l’équipement.
26/10/2015 at 15:26
Salut, j’ai aussi fait le marathon du Larzac et je dois dire qu’il m’ait arriver les memes péripéties ( à savoir les chutes et le manque de vigilance pour le balisage), mon genou qui a commencé à chauffer au vingtième kilomètre du coup j’ai morflé jusqu ‘a l’arrivée ( en serrant les dents j’y suis parvenu). Pour le reste c’était que du bonheur ! Continu à écrire tu as une belle plume. Bye.