Il n’y a pas si longtemps, il roulait encore sur les chemins de montagne. Et il franchissait en grand vainqueur la ligne d’arrivée du Red Bull Eléments à Talloires aux côtés de ses coéquipiers Jéméry Pouge, Martin Bonis et… Kilian Jornet. C’était le 15 septembre 2012.

Depuis, Alexis Vuillermoz a troqué son VTT contre un vélo de route et intégré successivement les équipes professionnelles Sojasun, puis AG2R La Mondiale. Hier, le Jurassien ne regrettait sûrement pas son choix lorsqu’il s’est imposé sur l’étape du Tour de France.

En septembre 2012, à la veille du Red Bull Eléments, j’ai eu le privilège d’interviewer simultanément Alexis et Kilian pour Bike Magazine. Petit comme back.

Jornet-Vuillermoz-2013

Article paru dans Bike Magazine en octobre 2012

La rencontre entre une star mondiale du trail running et une étoile montante du VTT n’est pas banale. A l’occasion du Red Bull Elements (15 septembre 2012), une complicité naissait pourtant entre le trailer espagnol Kilian Jornet et le jurassien Alexis Vuillermoz. Deux champions unis par une même passion et un même terrain : le sport en montagne.

Ils ne paient pas de mine avec leur silhouette toute fine et leur regard presque timide. Un calme olympien émane de ces deux garçons qui échangent quelques mots et quelques sourires pleins de réserve. Une onde de respect passe entre ceux qui, quelques minutes auparavant, ne s’étaient encore jamais vraiment parlé. Participer au Red Bull Elements, relais original associant aviron, trail running, parapente et VTT, est une occasion en or pour les deux hommes de mieux se connaître. Dans les yeux d’Alexis, brille la fierté d’avoir été choisi par le Team Font-Romeu Altitude constitué de Jérémy Pouge, Martin Bonis et Kilian Jornet. Unis par le même amour du sport et de la montagne, Alexis et Kilian ont entendu parler l’un de l’autre sans jamais avoir l’opportunité de se côtoyer. A la veille de leur victoire écrasante, ils se prêtent au jeu d’une interview commune avec, en toile de fond, les eaux scintillantes du lac d’Annecy et les monts qu’ils graviront quelques heures plus tard.

Cette année, l’équipe de Font-Romeu Altitude est identique à celle de 2011, à l’exception du VTT, assuré l’an dernier par Martin Fourcade. Comment Alexis a-t-il été intégré à l’équipe ?

Kilian. Plusieurs personnes de Font-Romeu connaissaient les performances et la personnalité d’Alexis, qui est un jeune qui progresse beaucoup et que tout le monde connaît dans les courses. Mais nous n’avons pas voulu créer l’équipe la plus forte possible. Nous avons simplement souhaité réunir des sportifs qui ont le même état d’esprit, qui aiment la compétition, qui ont des résultats mais qui ne se prennent pas trop au sérieux. C’est l’amour pour le sport plutôt que la performance qui nous unit. Nous ne participons pas pour faire péter des chronos, ce n’est pas ce qui nous motive !

Alexis. En VTT, il existe des épreuves de relais. C’est une discipline que j’aime depuis que je suis tout jeune (Alexis a décroché le titre de champion du monde de relais en 2008, ndlr). Nous pratiquons tous des sports plus ou moins individuels, donc je pense que nous apprécions de trouver ici un esprit d’équipe. Courir une épreuve tous ensemble donne envie de bien faire, moins pour soi que pour l’équipe. On essaie de ne pas avoir de problèmes mécaniques parce qu’on sait que les autres ont donné le maximum. C’est tout ça qui est plaisant dans ce type d’effort.

Vous faites tous deux un sport de montagne. Avez-vous des points communs qui pourraient expliquer que vous vous êtes dirigés tous les deux vers ces disciplines ?

Alexis. Nous sommes tous les deux issus de la montagne. Je suis originaire du massif du Jura, Kilian vient quant à lui des Pyrénées. Ce n’est donc pas vraiment le même secteur ! Mais j’ai passé du temps dans les Pyrénées Orientales, du côté d’Argelès, pour m’entraîner l’hiver et une bonne partie de la saison. J’ai retrouvé là-bas l’esprit que l’on peut avoir dans ma région natale. Les Pyrénées, comme le Jura, ont une mentalité très différente de l’esprit citadin. Le sport prend une grande place dans la vie locale. C’est très agréable. Quand je suis arrivé, j’ai tout de suite été bien accueilli. Je me suis senti comme à la maison !

Kilian. Les quatre membres de l’équipe viennent de la montagne. Bonatti disait : « la montagne n’est pas comme les hommes, elle est sincère ». C’est elle qui forge notre caractère.

Est-ce qu’on peut dire que trail et VTT se rejoignent, en partageant par exemple des valeurs communes ?

Kilian. Oui, je pense que tous les sports de montagne partagent un certain état d’esprit. On peut toujours faire des compétitions entre les hommes, on a toujours conscience que l’agent principal, c’est la montagne. C’est elle qui est toujours plus forte.

Alexis. Les paroles de Kilian m’interpellent parce que j’ai toujours ressenti les choses ainsi. J’ai parfois l’impression que c’est la montagne qui nous accepte dans l’effort. Il y a un grand respect des sportifs par rapport à la montagne. Cela peut paraître un peu bizarre mais je me dis souvent que c’est elle qui décide qu’un jour on peut la monter et qu’un autre jour on la subit.

Kilian. C’est le milieu qui unit les sports de montagne. On peut évoluer en VTT, en ski, en parapente, à pied, en escalade, on reste tous attachés au même terrain. C’est ça qui fait la différence par rapport aux sports en salle ou sur piste.

Alexis, pratiques-tu parfois le trail et, Kilian, le VTT ?

Alexis. Je cours beaucoup en hiver dans le cadre de ma préparation physique générale. Mais, en trail, je suis loin d’être au niveau de Kilian, c’est une évidence ! J’ai donc l’habitude de courir mais exclusivement en montagne car mon gabarit ne me permet pas de courir en plaine. Le trail est une bonne préparation pour le vélo, tant cardiaquement que musculairement. Cette activité permet d’avoir de bonnes bases pour le VTT. C’est aussi un plaisir de pouvoir changer de sport et de ne pas s’enfermer uniquement dans une discipline.

Kilian. Je fais plutôt du vélo de route et très peu de VTT. Mais pratiquer le vélo est difficile à concilier avec tous mes voyages. J’ai fait pas mal de VTT quand j’ai commencé le trail : je faisais du duathlon, donc il fallait forcément que je m’entraîne en VTT. Je pense toutefois que je n’ai pas beaucoup de qualités en vélo. Quand il faut rouler, je n’ai pas de puissance !

Alexis. J’ai eu des échos selon lesquels Kilian se débrouille plutôt bien ! On m’a dit que Kilian était très à l’aise sur le vélo. Il paraît qu’il fait des parcours d’entraînement qui sont de beaux chantiers, comme on dit.

Que pensez-vous lorsque vous voyez des compétitions de VTT et de trail ? Est-ce que cela vous paraît être des efforts difficiles, voire un peu fous ?

Kilian. Je connais pas mal de vététistes comme José Hermida et Greg Vollet. Quand tu les vois descendre, c’est impressionnant ! Ils roulent vite ! Ils prennent beaucoup de risques !

Un peu comme un trail qui court en descente, non ?

Kilian. Non, ce n’est pas la même chose ! Mais c’est sûr que quand on voit des sports dont on n’a pas la maîtrise, cela paraît toujours plus dangereux. Lorsqu’on maîtrise une technique, on perçoit beaucoup moins les risques.

Alexis. Voir des personnes courir des trails de plus de 100 km est quelque chose qui me paraît presque inimaginable. Cela m’impressionne et, ce qui est sûr, c’est que je ne m’en sens pas capable actuellement !

 

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