Ils l’ont fait. A domicile, rien n’est jamais facile. La pression médiatique, les attentes des supporters ou encore la présence des proches sont autant de paramètres à gérer. Et parfois à surmonter pour pouvoir donner le meilleur de soi-même sans laisser le stress réduire à néant des mois de préparation minutieuse.
Ils l’ont fait ! Les Français ont tout raflé hier sur les sentiers des championnats du monde : quatre titres (masculin individuel et par équipe, féminin individuel et par équipe) ont ainsi récompensé les efforts consciencieux d’athlètes d’exception, quelle que soit l’opinion que l’on puisse développer au sujet de ces championnats du monde pas forcément représentatifs du trail mondial. Or je remarque que de nombreux coureurs qui ont brillé hier sont présents depuis de longues années sur le circuit, progressant à leur rythme, sans s’impatienter, sans chercher à tout rafler en une saison. Je me rappelle mes premiers reportages dans le milieu du trail, il y a maintenant près de cinq ans. J’avais rencontré Sylvain Court sur l’épreuve du Nivolet-Revard. A cette époque, déjà entraîné par Philippe Propage, il n’était pas encore considéré comme l’une des figures de proue de la discipline. Il émergeait, talent pour le moins prometteur, comme l’affirmait déjà son coach avec clairvoyance. J’avais aussi croisé le chemin de Ludovic Pommeret qui, à l’époque, m’avait confié son horreur des plans d’entraînement et de la planification d’une saison. Il parvenait pourtant à caracoler en tête des épreuves alors qu’il admettait ne s’entraîner qu’une à deux fois par semaine, tôt le matin, avant de filer au travail. « Je pense que j’ai des qualités naturelles et un mental assez fort. Je vais jusqu’au bout de moi-même, à tel point que je suis totalement sec à l’arrivée ! Si je ne me sens pas en forme, je termine quand même. Je n’abandonnerai jamais pour la simple raison que je ne suis pas à la place que j’espérais », me confiait à l’époque celui qui a terminé 5e des Mondiaux à Annecy hier.
Que l’on songe donc à Sylvain Court, Ludovic Pommeret, Patrick Bringer, Nicolas Martin, Nathalie Mauclair… Leur point commun n’est-il pas d’avoir eu la patience de gravir un à un les échelons jusqu’à atteindre le très haut niveau ? Un champion ne se construit pas en une saison. Il faut du temps, de la progressivité et un grand respect de son corps et de son mental pour ne pas être seulement une étoile filante, mais une étoile du berger, pérenne et brillante, repère et guide pour tous ceux qui sillonnent les sentiers.
Si la France s’est affirmée hier comme une grande nation du trail, j’aimerais qu’elle incarne aussi un état d’esprit : celui de la juste mesure. La tendance à l’inflation kilométrique, la propension de (trop) nombreux coureurs à se lancer directement dans l’ultra et à épingler un dossard tous les week-ends, les dérives mercantiles doivent nous rendre sensibles au message que peuvent nous transmettre ces athlètes : prenez le temps et respectez-vous. Ce sont les deux conditions sine qua non pour courir toute votre vie en bonne santé avec envie et plaisir.
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