Au soir des championnats de France de cross-country, je ne résiste pas à l’envie d’orienter ma chronique sur ce sujet. Ce moment fort de la saison hivernale de course à pied me rappelle mes débuts en athlétisme, lorsque j’épinglais le dossard des France avec un mélange de fébrilité, d’excitation et d’innocence aux côtés de mes copines de club. Nous participions à ce rendez-vous hors normes, inénarrable tant il doit être vécu de l’intérieur pour être vraiment compris, avec une conscience aigüe de notre chance. Non, nous n’étions pas des championnes, mais nous apprenions là l’essence même de ce qui construit un athlète : la vitesse hallucinante du départ, la qualité des appuis au sol, la gestion de course, la combativité, l’humilité. La hargne aussi. En cross, le principe est simple : on part tous à fond et on meurt lentement jusqu’à l’arrivée. Celui qui gagne, c’est celui qui meurt le dernier.

Dans nos sociétés où la facilité et la médiatisation sont reines, le cross a plutôt mauvaise réputation auprès des runners et une visibilité très restreinte (voire inexistante) dans la presse. Discipline fondatrice mais délaissée, le cross reste pourtant un exercice incontournable pour tout coureur qui se respecte. Malheureusement, les parcours vallonnés originels ont laissé place à des boucles insipides, où les côtes sont souvent artificielles et où les longues lignes droites s’étirent le long des barrières des hippodromes. En fin d’année 2012, je publiais un long article dans Jogging International qui, chose suffisamment rare pour être saluée, donnait alors une large place dans ses pages au cross-country. A l’époque, j’avais interviewé le responsable du cross à la FFA, Patrice Binelli. Voici ce qu’il m’avait confié : « Bien que certaines épreuves aient disparu, comme le cross du Figaro ou de la RATP, nous avons gardé de belles organisations de rang régional, interrégional et national. Je dirais que 80 % des participants sont des licenciés. Les organisateurs proposent généralement des courses open, ouvertes à tous, mais la grande majorité des coureurs est affiliée à un club. La multiplication des formes de pratiques fait que le cross n’est plus incontournable. »

Multiplication des activités sportives de loisirs, calendrier athlétique hivernal chargé (épreuves en salle, trails blancs, courses sur route…), culture de la course à pied peu développée dans les écoles, tendance à opter pour une activité plus confortable que le cross lorsqu’il fait froid et humide, psychologie du coureur (être relégué à l’arrière d’un peloton de crossmen a de quoi démotiver) : les raisons du désamour des Français pour le cross-country sont nombreuses. Et profondes. Mais je reste persuadée que la discipline mérite d’être expérimentée et travaillée. Parce qu’elle forme un coureur. Mais aussi parce qu’elle forge un homme, tout simplement.

Savez-vous où est né le cross-country ?

Le cross-country ne date pas d’hier ! Ses racines se situent en Angleterre où, dès la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècles, on pratiquait des « courses au clocher » de village en village. Certaines épreuves mettaient aux prises des domestiques qui couraient pour le compte de leurs nobles employeurs « across the country » (autrement dit « à travers la campagne »). Les itinéraires étaient tracés dans les prairies, les champs, les forêts, les collines… et les concurrents devaient donc franchir des clôtures, des ruisseaux et toutes sortes d’obstacles.
Les premiers championnats de France furent organisés en 1889. A l’époque, et pendant plus d’un siècle, il n’existait qu’une distance. En 1998, naissait cependant une nouvelle épreuve : le cross court, dont la distance varie de 3 à 5 km. La discipline répondait ainsi aux attentes des spécialistes du demi-fond court sur piste (800m, 1500m).