80 km du Mont Blanc 2015. Mikaël Pasero caracole en deuxième position lorsqu’il est brutalement arrêté et soumis à une pénalité : attendre 30 minutes (!!!) avant de pouvoir repartir. En cause : le pensionnaire du team New Balance n’a pas la frontale obligatoire avec lui car il l’a déposée sur un ravitaillement antérieur. Alors que son coéquipier, Fred Desplanches, est soumis à la même sanction et jette l’éponge, Mikaël Pasero prend son mal en patience et attend. Il termine finalement 5e, le coeur plutôt lourd. La performance reste belle et le champion a démontré, en repartant malgré l’amertume et la déception, qu’il avait une force de caractère hors du commun.
Parce que je connais Mikaël depuis plusieurs années, je tiens à publier ici le courriel qu’il a adressé à l’organisation de la course afin de montrer son honnêteté, sa sportivité, son amour de la montagne et sa volonté de voir le trail évoluer dans le bon sens. Mikaël est un athlète hors pair, tout droit venu du tartan des pistes d’athlétisme (son record sur 800 m est de 1’52 et sur 1500 m de 3’45 !), qui a su progresser au fil des saisons et qui sait rester simple, humble, disponible, toujours plein de gentillesse et d’attention envers les autres. J’éprouve une grande et sincère tristesse pour lui : il méritait amplement sa place sur le podium de ces 80 km et j’imagine ce qu’il a dû éprouver lorsqu’il a été contraint de s’arrêter une demi-heure (une éternité lorsqu’on est en tête !). Je salue cette force intérieure qui lui a permis de surmonter la sanction et de s’élancer de nouveau sur les sentiers.
Mais laissons désormais la parole à Mikaël qui, dans ce courrier, soulève des problèmes particulièrement intéressants.
« Je fais partie de la trentaine de coureurs qui ont été contrôlés sans la frontale au Châtelard. Une pénalité sur place de 30 minutes m’a été infligée au kilomètre 65 où j’étais en 2ème position. Je suis malgré tout reparti en 5ème position pour terminer du mieux possible ce trail splendide et exigeant, mais la course était déjà jouée. Je respecte le règlement, mais j’ai juste laissé ma lampe une fois la nuit terminée.
Je déplore juste que :
- On autorise la possession de mini lampes qui n’ont aucune utilité en montagne ! A la rigueur, raisonnons plutôt en termes de lumens.
- On ne fasse pas la différence entre les coureurs qui vont terminer de jour et les autres qui auront besoin d’éclairage. Pourquoi ne pas faire le contrôle au Bois ? Ceux qui n’ont pas de lampe après une certaine heure à cet endroit ne repartent pas.
- La pénalité soit aussi élevée pour ce type de manquement (alors qu’elle est seulement de 10 minutes pour un jet de détritus !).
- Nous assistions de plus en plus les coureurs dans les trails : qui ne va pas penser à prendre une lampe avant d’aller la nuit en montagne ??!!…….
J’ai juste l’impression d’avoir « servi d’exemple », pour reprendre les mots du directeur de course, car sachez qu’à aucun moment je n’ai souhaité tricher ! On se prépare des mois pour ces événements qui nécessitent beaucoup de sacrifices et de volonté et pour pratiquer notre passion dans l’amateurisme le plus complet (j’ai un métier par ailleurs).
Pour clôturer, comme il n’était pas mention dans le règlement de l’organisation des podiums (quitte à en faire un, autant le faire jusqu’au bout), j’ai demandé des renseignements le samedi matin au point accueil du village. On m’a répondu que les 3 premiers étaient primés et que les 5 montaient sur le podium. Je suis donc resté jusqu’à 17h malgré des impératifs pour constater que seuls les 3 premiers étaient appelés, le tout avec cumul des récompenses dans les catégories.
Reparti déçu et ému, je garde malgré tout un bon souvenir de ma journée.
Dans l’attente de votre réponse,
Cordialement,
Mikaël PASERO »
Sur les réseaux sociaux, j’ai lu des commentaires très durs envers les athlètes sanctionnés vantant, entre autres, les mérites d’une organisation soucieuse de l’équité sportive. Mais n’oublions pas les quelques points suivants :
Les 80 km du Mont Blanc étaient officiellement estampillés « Sky Runner World Series », ce qui implique l’application et le respect du règlement établi par la fédération internationale de skyrunning. Or ce règlement stipule clairement que la pénalité pour non présentation du matériel obligatoire peut s’élever de 3 minutes jusqu’à la disqualification pure et simple, comme le prouve cet extrait des textes officiels (désolée pour les non anglophones) :
7.16 PENALTIES – Penalties will be applied compliant with the various race regulations and those of the ISF.
7.16.1 A penalty of from three minutes to disqualification will be applied for:
a) Throwing of trash outside the check point areas (100m +/-)
b) Receiving any assistance in unauthorized areas (not at specified points such as aid stations)
c) Not following the race course signage, voluntarily or otherwise
d) The bib is not on view or has been tampered with
e) False starts
f) Not passing through compulsory checkpoints
g) Unsportsmanlike behaviour – not assisting another competitors in need of help
h) Not carrying or using the material required
i) Not complying with the directions of the organisation (WS or Race) or the judges
S’appuyant sur la latitude donnée par ce cadre, les organisateurs ont estimé qu’une pénalité de 30 minutes était légitime. Personnellement, je ne comprends pas qu’un organisateur puisse imaginer une seule seconde sanctionner un coureur par un arrêt forcé d’une demi-heure, une durée incroyablement longue lorsqu’on sait le nombre de kilomètres parcourus dans ce laps de temps et lorsqu’on connaît les écarts entre les top athlètes et la capacité de ces champions à gérer leur course du premier au dernier kilomètre. Quitte à sanctionner lourdement les coureurs qui ne respectent pas le règlement (aussi contestable soit-il), pourquoi ne pas carrément disqualifier les contrevenants ? La sanction serait plus claire et bien plus dissuasive.
Le trail est une discipline de pleine nature et bien souvent de montagne. Beaucoup prétendent aimer le trail parce qu’il permet d’évoluer dans un environnement « sauvage », dans une nature où le sentiment de liberté, si rare aujourd’hui, peut enfin être éprouvé. Je pense que ces arguments dissimulent la réalité. Courir en montagne signifie pour beaucoup se lancer des défis un peu fous, essayer de dépasser ses limites, tenter de prouver grâce au sport que l’on est un héros, chacun à son échelle. Ces motivations sont honorables et je ne saurais les dénoncer. En revanche je déplore que l’on prétende communier avec la nature lorsqu’on pratique le trail en ne faisant montre d’aucune humilité face aux éléments. La montagne, et plus globalement la nature, sont des milieux par essence hostiles où l’homme doit rester conscient de sa petitesse et sa vulnérabilité. Communier avec la nature, c’est avant tout la respecter et prendre les précautions nécessaires pour ne pas la souiller et ne pas se mettre soi-même en danger. Le trail, un sport de liberté ? Mais où est la liberté lorsque les règlements maternent les pelotons et les contraignent à l’extrême ? Courir en pleine nature nécessite un réel apprentissage, à la fois en termes de technique de course, de gestion de l’effort et d’équipement. La « massification » du trail est positive car elle signifie que des milliers de personnes aspirent à évoluer en nature et à faire du sport. Mais elle ne doit pas pour autant jeter sur les sentiers des foules inconscientes des dangers d’un milieu aussi somptueux qu’impitoyable avec les imprudents. Et si les organisateurs jetaient au panier les règlements et invitaient les participants à courir sous leur propre responsabilité ? S’inscrire impliquerait l’acceptation des risques liés à la pratique d’une discipline sportive intimement liée aux aléas de l’environnement. Et alors adieu les règles ridicules, les pénalités, les polémiques… et les champions désenchantés…
01/07/2015 at 13:58
Je trouve un peu utopique de croire qu’une simple décharge engageant le coureur à courir sous sa propre responsabilité décharge les organisateurs de la course en cas d’accident. En cas d’accident tout le monde se retournera contre les organisateurs et la justice leur donnera raison dans la plupart des cas. Ca serait la porte ouverte à n’importe quoi, la multiplication des accidents et la réglementation qui en suivrait serait d’autant plus dure par la suite et ça serait la fin des petites courses et voir peut être plus. Cette activité a besoin d’être réglementé, le règlement est peut être à revoir ça c’est certain. Je suis désolé pour Mikael, mais le règlement c’est le règlement et il est censé le connaître avant le départ qu’il soit amateur ou professionnel. Bien sûr qu’il n’est pas professionnel, mais il est quand même dans une structure qui l’aide, qui l’encadre et quand on voit son niveau et les heures passées à l’entraînement c’est bien dommage de laisser passer ce podium voir la victoire pour une lampe absente dans le sac. Dura lex, sed lex… La règle est plus que discutable mais elle est connue de tous alors pourquoi jouer avec.
01/07/2015 at 14:09
Bien entendu, le règlement est censé être connu de tous et tous les concurrents, plus ou moins investis dans leur pratique, doivent le respecter dès lors qu’ils s’alignent au départ. Mais alors pourquoi y a-t-il des règlements à géométrie variable ? Sur le même événement, certaines règles ont été ouvertement bafouées : dossards non visibles au départ du KV, sacs vérifiés à la va-vite à l’arrivée du marathon (il suffisait de dire « oui, j’ai ma lampe » pour que le matériel soit jugé correct par l’organisation)… et je ne sais pas tout, loin de là !
Certaines courses optent d’ores et déjà pour l’absence de matériel obligatoire et se contentent de lister un équipement « conseillé ». Personnellement, je trouve que c’est mieux : cette solution permet de responsabiliser les coureurs et d’éviter les dérives. Si le règlement est appliqué, alors il faut qu’il le soit pour tous et partout. Il ne doit pas uniquement servir à sanctionner certains concurrents qui, en l’occurrence, ne sont pas ceux qui se mettaient le plus en danger en n’ayant pas de frontale dans leur sac ! Comme le dit Sébastien Chaigneau aux coureurs qui l’interrogent sur son matériel de course : « vous courez plus longtemps que moi, donc ne prenez pas exemple sur mon équipement. »
Quant à la question des accidents, je ne suis pas tout-à-fait d’accord. Les montagnes regorgent de randonneurs en toutes saisons et il n’y a pas des morts tous les week-ends (heureusement !). Les gens sont donc capables de mesurer les risques, de s’engager là où ils jugent être capables de ne pas se mettre en danger. Pourquoi les trailers ne pourraient-ils pas être eux aussi responsables et apprendre à s’équiper correctement, voire à renoncer quand ils voient qu’ils se mettent en danger ?
01/07/2015 at 16:32
Pourquoi le trail ne serait pas exempt de ces règlements déresponsabilisants? Parce que la loi ne le permet pas. En cas d’accident, la responsabilité de l’organisateur sera recherchée qu’on le veuille ou non. Regardez le Mercantour: les victimes ont pris la responsabilité de continuer en montagne sous l’orage. Certes…. Mais l’organisateur s’est vu reprocher de ne pas les avoir arrêtés. Condamné au civil!
Alors, vous êtes organisateur, vous faites en sorte que les choix des participants ne vous fassent pas courir le risque de vous ruiner ou vous envoyer en prison! Moi, je n’aime pas le certif obligatoire, le matériel obligatoire, mais ils sont exigés par le code du sport d’un côté et par le guide ffa de l’organisateur qui fait foi auprès du juge.
Si cela ne va pas, ce n’est pas aux organisateurs qu’il faut s’adresser, mais à vos députés.
Ceci dit, aussi bête soit-il, le règlement doit être respecté. Pour quelle raison s’en est-il affranchi? Etait-ce si difficile de garder la lampe? Si elle ne le gênait pas, c’est stupide de l’avoir posée, si elle le gênait, on peut estimer qu’en la posant il s’affranchissait d’une contrainte et par là cherchait un avantage indu.
Bref, c’est dommage, mais il n’aurait pas dû.
01/07/2015 at 16:59
Il faut revoir les règles de base et mettre de nouveaux standards et appliquer celles qui existent actuellement le temps de mettre en place les nouvelles. Niveau matériel, Il faut surtout raisonner en terme de lumens, comme dit Mikael. « Avoir une lampe » comme le fixe le règlement, ce n’est pas suffisant. C’est une évidence! Trop de trailers partent en montagne avec des loupiotes, des lampes qui éclairent que dal, au risque de mettre leur vie en danger en cas de problème!
01/07/2015 at 18:56
Je suis tout à fais d’accord avec ton analyse, moi-même victime ce week-end d’un règlement trop rigide…
Je suis pour que chacun prenne ses responsabilités en fonction de son niveau et de ses capacités propres, tous les règlements qui pronent l’équité entre coureurs en imposant des contraintes ridicules pour les premiers sous prétexte qu’il faut penser au dernier n’ont en réalité qu’un effet pervers, car innaplicables ils entrainent des dérives et des comportements innapropriés.
Le matériel ne devrait pas être obligatoire, mais vivement conseillé, à chacun de prendre ses responsabilités. Par contre, empêcher un gars de repartir de nuit en montagne s’il n’a pas sa frontale est plus que légitime et là il n’y aurait rien à dire !
Quant aux pénalités, s’il y en a, je pense qu’elles doivent être appliquées après l’arrivée, arrêter un coureur est inhumain, comment imaginer pouvoir repartir après une pause forcée de 30’… une fois refroidi c’est presque impossible !! de plus en cas de sanction le coureur a droit de se défendre, de se justifier et de faire appel…. mais dans ce cas, c’est tout simplement impossible d’obtenir réparation….
01/07/2015 at 21:07
C’est simple : tout le monde part sur le principe d’une sortie de 80 km ou les coureurs vont devoir affronter la nuit, le froid peut etre la pluie. L »assistance devrait etre là à la rigueur pour ravitailler au ravitaillement mais pas décharcher l’arthlete de tout le matos dont il n’aura pas besoin la prochaine heure car les coureurs derriere lui n’ont pas cette possibilité.Il dit finir avant la nuit comme beaucoup d’autres . Normalement oui mais qui dit qu’il ne pas se fouler la cheville et devoir marcher à 0.3 km/h dans la nuit et le froid.Enfin si il n’y a pas un minimum de matériel obligatoire , alors là certains vont partir avec 500 g (les pros) et ceux qui n’ont pas d’assisrance avec 5 kg dans le dos. Est ce juste?
02/07/2015 at 06:29
Certains arguments m’ont fait sourire, surtout à Chamonix, dont un en particulier, sur les traileurs…. Responsables??? Ben c’est pas Jornet qu’il a fallu aller chercher en hélicoptère?
Les organisateurs n’ont pas à savoir si une frontale a été jetée dans la nature, ou posée sur une table. Je suis sincèrement désolé pour lui, mais le règle est la règle.
Quant à appliquer le règlement Sky Truc, on est en France, et on voit ce que cela donne d’appliquer les lois Européennes, gardons donc notre identité sur nos courses, toute organisation qui se trouve au dessus, n’est là que pour faire du fric.
Côté Pro, ou soutenu par des marques, je trouve aussi choquant de se débarrasser de son matériel ainsi. Que les coureurs qui en ont trop, donne à l’arrivée, et qu’on fasse un tirage au sort avec les dossards des participants, cela fera des heureux runners.
03/07/2015 at 12:01
Les élites ne « se débarrassent » pas de leur matériel. Ces coureurs ont une assistance qui leur permet de déposer les accessoires dont ils n’ont plus besoin d’un ravitaillement à l’autre. Il n’y a donc pas de gaspillage de matériel, heureusement !
02/07/2015 at 17:46
Je suis intolérant gluten et protéine de lait.. Donc je cours en autosuffisance complète… Ce n’est pas le poids d’une frontale qui l’aurait pénalisé.. Alors pourquoi s’en défaire ?… Il y a un règlement pour tous, à chacun de le respecter, élite compris
03/07/2015 at 13:16
Il y a un règlement pour tous, du premier au dernier. J’étais dans le 3ème tiers de la course et j’ai été contrôlé également. Il y a pas que les premier.
27/08/2015 at 19:06
C’est toujours tout en contradiction ce débat… à commencer par le point 1 « on devrait interdire les mini lampes, imposer tant de lumens », et le dernier point « Mais qui ne va pas penser à prendre une lampe avant d’aller la nuit en montagne???!! » (et l’ensemble « Fuck les règles » 😉
La starification des coureurs « élites » et de leurs performances par les sponsors, c’est aussi ça qui pousse autant de gogos pas préparés mais en peine de challenge et de reconnaissance sociale à s’engager sur des trails connus. Aujourd’hui j’ai l’impression que le trail, c’est la compétition, rien d’autre. Entre deux compét’, c’est de l’ « entrainement », de la « préparation »; tu as beau courir dans la nature, en montagne, si y a pas de dossard, pas de chrono, pas de ravito, pas de photo victorieuse de la ligne d’arrivée sur facebook, c’est pas vraiment du trail il parait…
Bref, les équipementiers font leur beurre, mais c’est les organisateurs et les bénévoles des cours qui doivent gérer les personnes, et moi, franchement, je les plains. Imposer du matériel obligatoire ça me parait un moindre mal par rapport à devoir gérer des coureurs en hypothermie perdus dans la montagne (on va pas les y laisser sous prétexte qu’ils ont signé une paperasse comme quoi ils s’engageait à se démerder…).