Elle est un peu l’OVNI de la famille. Parmi sa tribu d’artistes, elle est la seule à tomber du lit le matin pour sortir trotter sur les sentiers de La Réunion. Sportive tardive, elle carbure essentiellement à l’envie. Et aux podiums aussi ! Lorsque je rencontre Nathalie Marguerit en 2015, nous sommes toutes deux sur la ligne de départ du Royal Raid (île Maurice). Je l’ignore encore, mais les quelques kilomètres parcourus avec cette blondinette vont se transformer en solide amitié.
Avec sa tignasse blonde et son sourire ravageur, elle m’adresse quelques mots sur une ligne de départ à l’autre bout du monde, quelque chose du genre : « Tu es Marie Paturel ? Tu es connue jusqu’ici, tu sais ! » Mais son humour est palpable : en fait, nous nous sommes déjà croisées la veille sur le parcours que nous reconnaissions toutes les deux et j’avais discuté avec sa sœur. Bref, pour l’heure, je ne saisis pas bien ce qu’elle me dit, mais en quelques secondes, cette quadra pétillante pique ma curiosité.
Au bout de quelques centaines de mètres à peine, nous courons côte-à-côte comme deux blondinettes en goguette sous le soleil de l’île Maurice. Il faut dire que, malgré l’allure rapide de ce début de trail, nous papotons comme deux vieilles copines alors que nous ne nous connaissons ni d’Eve ni d’Adam ! J’apprendrai petit à petit que Nathalie Marguerit est une fille des îles, une mère de famille passionnée de running et une athlète plutôt douée.
Courir pour tenir
Dans l’existence de Nathalie, on ne peut pas dire que le sport ait occupé une place prépondérante. Alors qu’elle n’a que quatre ans, la petite dernière d’une nombreuse fratrie perd son papa. Autant dire que le sport n’est pas une priorité et que l’essentiel est de s’en sortir grâce à l’école. Ce n’est qu’une fois débarquée dans les îles exotiques des territoires français d’outre-mer que Nathalie, devenue maman de trois enfants, commence à pratiquer des sports nautiques. La course à pied ? Pas question ! Jusqu’au jour où les aléas de la vie deviennent si destructeurs que courir devient une véritable thérapie. Trottiner sur la plage à La Réunion, c’est s’évader, apaiser le corps et l’esprit. Alors Nathalie court, court, court… Puis elle s’inscrit au semi-marathon de Saint Paul et épingle le premier dossard de sa vie. Puis elle s’aligne sur son premier marathon où elle termine première de sa catégorie ! Et comme un défi ne vient jamais seul, la voilà embarquée aussi sur son premier trail. Pas le moins difficile, bien entendu, car vous avez déjà compris que cette fille-là n’a peur de rien. Elle s’inscrit donc à la course de l’Arc-en-Ciel avec la bagatelle de 64 km et 4000 m D+ à avaler seulement quinze jours après son marathon…
Un peu cinglée, non ?
« Tout le monde m’a dit que j’étais complètement cinglée d’enchaîner les deux courses », avoue-t-elle en riant. « Du coup j’ai pris le départ en me disant que je ne tiendrais pas. Et j’étais totalement novice en trail, alors j’ai eu des problèmes matériels incroyables… » Asseyez-vous parce que vous n’allez pas y croire. En bonne débutante, notre petite blondinette s’est élancée pour 64 km en n’ayant jamais utilisé de Camelbak. « Je n’avais pas remarqué qu’il y avait un trou pour passer le tube de la poche à eau, alors j’ai fait passer le tube par la fermeture éclair de la poche principale. Le sac s’est ouvert et j’ai perdu tout mon ravitaillement ! » Elle s’est accrochée un moment, mais elle a fini par jeter l’éponge, faute d’aliments solides. Pas dégoûtée pour autant de cette expérience difficile, Nathalie a continué sur sa lancée. Elle a pris sa licence en club et côtoyé Marcelle Puy (l’une des sportives réunionnaises les plus populaires et quintuple vainqueur du Grand Raid) avant de s’envoler pour quelques années à Tahiti où elle a goûté au tartan. « Après Tahiti, nous sommes revenus vivre à La Réunion. La course à pied m’a aidé à ne pas sombrer car je traversais de nouveau une période difficile », confie Nathalie.
Le running, oui… mais la famille aussi !
Toutes les mères de famille passionnées de running ont été un jour confrontées à une équation complexe : comment concilier des activités aussi chronophages que courir, s’occuper des enfants et travailler ? « C’était compliqué au début car mes trois enfants avaient besoin de moi et je ne les voyais pas beaucoup à cause des entraînements. Ca devait leur manquer un peu, mais ils étaient super contents pour moi car ils voyaient que je me faisais plaisir en courant… et en plus je rapportais des coupes à la maison ! » Si Nathalie s’entraîne seule, elle n’est pas abandonnée par les siens qui la soutiennent dans tous ses projets. Elle se souvient du marathon de Paris en 2014 lorsque ses filles l’attendaient sur le parcours avec, à leurs côtés, sa maman de 88 ans. « C’étaient de grands moments d’émotion. Ils étaient tous là : mes filles, mon fils, ma mère, ma sœur, mon beau-frère… » Lorsque je rencontre Nathalie à l’île Maurice, elle n’est pas seule. Sa sœur est là, aussi souriante que sa cadette. A croire que l’art de pétiller est une véritable affaire de famille !
Un nouveau défi pour 2016
Après le soleil mauricien, c’est sous le ciel bleu azur d’Annecy que je revois Nathalie l’hiver dernier. Nous trottinons ensemble sur les chemins, entre montagnes et lac, sans cesser de papoter. « Je vais revenir bientôt pour la Maxi Race », m’explique-t-elle avec légèreté comme si elle m’annonçait son programme de vacances. « Mais l’objectif de ma saison, ce sera le Grand Raid de La Réunion. J’ai enfin été tirée au sort, je suis super heureuse ! » Ah oui, pour rappel, le Grand Raid, qui propose 172 km et presque 10 000 m de dénivelée positive sur des terrains tout bonnement épouvantables… Un peu cinglée, ma copine à la tignasse blonde ? Non, à peine…
09/09/2016 at 17:35
Un bien bel article Marie Paturel, où le rythme des mots nous emmène directement vers les sentiers de trail.