Aimer le trail, c’est aimer courir en pleine nature. Se laisser submerger par le silence, les paysages, les changements de terrain. Aimer le trail, c’est aussi se détacher du chronomètre et de la fameuse préoccupation des routiers : « tu tournes en combien au kilomètre ? » Pourtant bon nombre de trailers ne se cantonnent pas aux sentiers et viennent régulièrement fouler le bitume des épreuves sur route. Pourquoi ? Parce que travailler sa vitesse pure permet de courir plus vite en montagne. Parce que trotter sur une surface régulière telle que le goudron permet de travailler ses qualités de pied et de foulée. Mais aussi parce que certaines courses permettent de vivre des émotions collectives inoubliables.

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Hier, alors que je filmais le premier marathon par équipe de France, le Grenoble Ekiden Caisse d’Epargne, j’ai eu la surprise d’apercevoir dans la foule un visage connu : Emmanuel Meyssat. Quelques instants plus tard, je saluais Nicolas Martin, puis croisais Julien Rancon, Alexis Traub, Sylvie Claus. Les montagnards étaient venus en force sur cette course originale où l’esprit d’équipe, le partage et la solidarité étaient à l’honneur. Moi-même engagée dans un relais 100 % féminin, j’attendais de cet événement de précieux moments d’amitié avec mes coéquipières et une émotion toute particulière : courir en relais, c’est éprouver une volonté farouche de se transcender pour l’intérêt collectif. C’est avancer en pensant non pas à soi, mais aux autres. C’est repousser ses limites pour honorer son engagement dans l’équipe. C’est aussi savourer ce geste furtif mais ô combien symbolique : le passage du témoin. Deux mains tendues l’une vers l’autre, deux regards qui se cherchent, les doigts qui s’effleurent, comme pour se transmettre l’énergie issue de l’esprit d’équipe.

Sous le soleil grenoblois, les trailers de renom et bien d’autres plus anonymes n’avaient pas soif de dénivelée et de kilométrage délirant. Je pense qu’ils voulaient avant tout vivre ce bonheur du partage et de la solidarité. Pour certains, cette course était sans doute l’occasion aussi de s’étalonner sur des distances classiques. Et qu’ils se nomment Rancon, Martin ou Meyssat, tous ont une fois de plus prouvé que les trailers font partie intégrante de la famille des athlètes : boucler un 10 km en 32′ n’est pas donné à tout le monde… et je parie que les trois petites bosses du parcours, loin de leur faire mal aux jambes, les ont plutôt ravi !

Ekiden14_0577 Julien Rancon, dernier relayeur de l’équipe vainqueur du Grenoble Ekiden 2014